« Le genre de l’intégration ». Représentations et traitement des violences de genre dans les politiques et dispositifs d’intégration des migrant(e)s
Présenté par Marion Manier (URMIS) - Discutante : Armelle Andro
Si la question des femmes en migration est longtemps demeurée un
point aveugle des politiques d’immigration et d’intégration, elle
est reconnue, depuis une dizaine d’années, comme une priorité
publique. A la faveur des recommandations internationales et
européennes, mais aussi à la faveur des débats sur la laïcité, le
foulard islamique, les mariages forcés, les mutilations sexuelles
ou les violences dans les quartiers dits sensibles, c’est sous la
catégorie « femmes de l’immigration » qu’elle est instituée en
priorité des politiques d’intégration dans les années 2000, et
qu’elle fait depuis l’objet de mesures spécifiques de plus en plus
nombreuses dans les dispositifs d’intégration. Portées par des
acteurs institutionnels (politiques de la ville, délégués à
l’intégration, aux droits des femmes, etc.), des organismes
d’intervention sociale et des associations, les actions
d’intégration ou d’insertion sociale se caractérisent en effet par
la multiplication de mesures spécifiques aux femmes migrantes, et
notamment de mesures de prévention des violences faites aux
femmes.
C’est dans ce cadre que cette intervention propose d’interroger la
manière dont le secteur de l’intégration ou de l’insertion sociale
intègre et problématise la question des violences faites aux
femmes, et notamment de violences présentées comme spécifiques à la
migration, à la culture ou à la tradition d’origine. Il s’agira en
particulier de montrer comment l’introduction de la lutte contre
les violences au sein des dispositifs d’intégration participe de
certaines formes de victimisation des publics ciblés et
d’ethnicisation des questions de genre. Après avoir brièvement
retracé l’émergence des « femmes de l’immigration » dans les
politiques publiques, l’intervention se concentrera sur l’analyse
des discours, des actions mises en place, mais aussi des pratiques
d’intervenant.e.s et professionnel.le.s de l’intégration ou de
l’insertion sociale. Les analyses présentées s’appuient sur une
enquête réalisée dans le cadre de ma thèse de doctorat, combinant
l’étude d’un corpus de discours et de textes ministériels, et une
enquête ethnographique menée au sein du réseau d’action publique
locale d’une ville du sud de la France de 2004 à 2010.