La triple journée des femmes enceintes : l’encadrement des grossesses en France, entre droits des femmes et devoirs des mères
Présenté par : Elsa Boulet (Centre Max Weber - Université Lyon 2, Iris - EHESS & Université Paris 1) ; Discutant : Fabrice Cahen (Ined)
En France, les grossesses font l’objet d’un encadrement légal et médical : le droit fixe un parcours de soins obligatoire et définit des mesures spécifiques à destination des travailleuses enceintes ; à ces dispositions s’ajoutent des recommandations médicales. Le parcours de soin-type défini dans la législation est aujourd’hui très largement effectif. Cette communication questionne les effets de l’intervention étatique et médicale sur les grossesses en termes de genre. Elle repose sur une enquête par observations en maternités hospitalières et par entretiens (femmes enceintes, conjoints, professionnelles de santé), menée en Île-de-France entre 2014 et 2017. En décrivant la « triple journée » des femmes enceintes, qui cumulent un parcours de soins, le travail domestique et le travail rémunéré, je montrerai que l’encadrement des grossesses a un statut ambivalent, entre droit des femmes (à la santé, au travail rémunéré) et devoir des mères (envers leur futur enfant). L’encadrement des grossesses tel qu’il s’est constitué en droit et dans les pratiques médicales est structuré en fonction d’un « sujet fœtal » ; dans le même mouvement, les femmes enceintes sont instituées comme mères, garantes de la bonne santé et du bien-être du fœtus. Cette responsabilité maternelle prend la forme d’une « mise en disponibilité » des femmes, qui doivent se conformer à un parcours de soins contraignants. Les dispositions légales (droits à absences, réduction du temps de travail, aménagement du poste) sont mal connues par les travailleuses enceintes, et peu utilisées par ces dernières par crainte d’apparaître comme de « mauvaises salariées ».
Elsa Boulet
Elsa Boulet a soutenu une thèse en sociologie intitulée Espaces et temps de la « production d’enfants ». Sociologie des grossesses ordinaires (Université Lyon 2, juin 2020). Elle participe actuellement à une étude commandée par l’Agence régionale de santé Ile-de-France pour évaluer les effets d’un dispositif d’accès à un médecin généraliste pour des personnes hébergées en EHPAD (coord. L. Hartmann, Cnam).