« La statistique seule peut démontrer si une race est en progrès, en statu quo ou en décadence » (Paul Broca, 1870) : le recensement des infirmes (1851-1876), histoire d’un projet abandonné
Présenté par : Pauline Hervois (Université de Tours, Université Paris 1 - CRIDUP, Ined) ; Discutante : Anne Rasmussen (Centre Alexandre Koyré, EHESS)
En 1851 et pour la première en France, une variable relative à la quantification des populations infirmes est introduite dans un recensement français. Elle concerne les aveugles, les sourds-muets, les idiots, les crétins, les aliénés et les goitreux. Cette démarche s’inscrit dans un contexte favorable à la prise en charge et à l’étude de ces populations atteintes de difformités, de déficiences sensorielles ou mentales. Au cours du XIXe siècle, les statistiques sont l’outil privilégié par les administrations pour étudier les populations. Certains médecins y ont aussi recours pour chercher à généraliser leurs analyses, en prenant des cas d’infirmes hors de l’enceinte close de leur hôpital ou de leur hospice d’exercice.
C’est donc à la croisée disciplinaire des nombres et des études de la santé des populations que se développe cette quantification des infirmes. C’est aussi au cours de cette période que le concept de « dégénérescence » de la population émerge. Des médecins et des statisticiens se réunissent alors au sein de sociétés savantes pour discuter des causes et des conséquences de cette dégradation de la qualité des Français, qui se diffuserait telle une maladie contagieuse. Cette communication entreprend donc d’étudier les enjeux autour de la variable « infirmités apparentes » présente dans les recensements quinquennaux de 1851 à 1876, dans ce contexte de menace qui pèserait sur la population.
Pauline Hervois
Pauline Hervois est une jeune docteure en démographie (Université Paris 1). Sa thèse intitulée « Du non-sens de recenser les insensés : fabriquer le chiffre de l’infirmité, en France, au XIXe siècle » a été soutenue en novembre 2018. Elle repose sur l’étude des données relatives aux populations infirmes vivant dans les ménages, c’est-à-dire les recensements et les statistiques des exemptions du service militaire. Plus largement, ses thématiques de recherche portent sur l’histoire de la quantification, des populations et de leur état de santé, au XIXe siècle. Elle est actuellement attachée temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) à l’Université de Tours.