« La fuite des gays vers la ville », un modèle de trajectoire parmi d’autres
Discutant : Arnaud Lerch ( CERLIS-Paris 5)
En réaction à une approche sociologique en termes de déviance,
l’homosexualité a été abordée comme un mode de vie particulier
(Gagnon, 1973 ; Pollack, 1982) qui induit des pratiques spécifiques
de l’espace. Didier Eribon (1999) affirme ainsi que « la fuite vers
la ville » est constitutive du parcours des homosexuels, tandis que
Pierre Verdrager (2006) remarque que « le bonheur de sa vie va de
pair avec la taille de sa ville ». Cette idée d’un lien
consubstantiel entre ville et homosexualité a été renforcée par la
surreprésentation des citadins dans les enquêtes Presse Gay
(1985-2000), accréditant l’image du gay fuyant sa campagne ou sa
petite ville natale pour trouver refuge dans une métropole.
L’analyse de trajectoires géographiques recueillies par sondage
auprès de 3 500 personnes, sur le site de la revue Têtu, remet en
question cette représentation dominante. Nous montrerons que « la
fuite vers la ville » est un modèle migratoire parmi d’autres. En
effet, la tension entre l’injonction à la discrétion et la
réalisation d’une vie sociale gay se gère davantage par une
adaptation de la distance sociale au quotidien que par une prise de
distance géographique par rapport à son environnement. C’est donc
bien davantage le poids de la norme hétérosexuelle qui crée
l’assujettissement que des pratiques et des comportements qui
seraient uniformes et partagés par tous les gays.