La construction sociale de la sexualité par le genre et le racisme
La construction sociale de la sexualité par le genre et le
racisme: les descendantes des migrants du Maghreb et le principe de
virginité
Discutante : Nathalie Bajos (Inserm-Ined Unité 569)
En France, la virginité féminine au jour du mariage est une
norme sexuelle devenue marginale et rejetée. L'égalité des sexes
étant désormais reconnue comme un objectif à atteindre, cette
pratique et plus globalement les normes socio-sexuées qui relèvent
manifestement de la domination de genre sont jugées contraires à
une évolution positive de la société. Dès lors ces normes jugées
rétrogrades exposent les groupes et les individus qui les
appliquent à la stigmatisation. Telle est la situation vécue par
les familles d'immigrés maghrébins qui se voient ainsi accusées de
promouvoir une vision particulièrement sexiste des relations entre
les sexes. Si la condamnation du traitement inégalitaire des filles
et des garçons dans ces familles semble légitime, il s'avère
également que cette condamnation est parfois portée par des
discours racistes qui tendent notamment à présenter les hommes
maghrébins comme des individus nettement plus machistes que les
hommes dits « français » et les femmes maghrébines comme des
victimes soumises et passives. Or, si l'on porte attention à la
réalité des inégalités entre les sexes dans l'ensemble de la
société, la validité de ces discours se trouve nettement
relativisée. Ajoutés aux discriminations subies dans l'accès à
l'emploi, au logement, aux loisirs, etc., ces discours forment un
contexte social dont la prise en considération est indispensable à
la compréhension des pratiques des descendantes de migrants du
Maghreb au regard du principe de virginité. Les entretiens conduits
auprès de ces jeunes femmes, lors d'une enquête qualitative sur les
modes de gestion des risques d'infection par le VIH, révèlent que
si certaines condamnent et transgressent cette norme, d'autres la
respectent et en prônent la valeur. Mais quels que soient le point
de vue exprimé et les stratégies adoptées, les discours qu'elles
produisent sur leurs pratiques amoureuses et leur vie sexuelle sont
sous-tendus par le rejet commun de la stigmatisation raciste d'une
part et de la domination de genre d'autre part.