L’inclusion des personnes sourdes ou aveugles dans les enquêtes d’opinion

le Lundi 07 Octobre 2013 à l’Ined, exceptionnellement en salle 433, de 14h à 15h

Présenté par Sébastien Fontaine (Université de Liège) - Discutante : Géraldine Vivier (Ined)

Les personnes handicapées sont généralement exclues des enquêtes d’opinion...
En Belgique le nombre de sourds et de malentendants est estimé à 400.000 (dont 40.000 sont totalement sourds) le nombre de non-voyants est quant à lui estimé à 20.000. En tout, cela représente entre 2.2% et 4% de la population belge.
Dans l’Enquête Sociale Européenne, comme dans la plupart des enquêtes d’opinion à visée scientifique, les personnes ayant un handicap sensoriel ne sont pas inclues dans les bases de données finales des répondants. Cela pose deux problèmes à ces enquêtes : d’une part, un biais dans la mesure globale des opinions, biais qui n’est jamais évalué. D’autre part, le fait que, sur les problèmes généraux, l’opinion des personnes handicapées est systématiquement ignorée.
Cette exclusion introduit très probablement des erreurs dans la représentation de l’opinion en général.
Il est quasi certain que les personnes handicapées ainsi systématiquement écartées ne sont pas "aléatoirement réparties dans la population" et que leurs réponses modifieraient dans une mesure sensible (à évaluer) les attitudes ou les comportements recensés par ces enquêtes. De la littérature en sociologie et en psychologie sociale, il ressort en effet qu’il existe des différences significatives entre les personnes valides et les personnes handicapées sur des sujets tels que la participation, la citoyenneté, l’inclusion sociale mais aussi le bien-être et la qualité de vie, qui sont au coeur des grandes enquêtes internationales et en particulier de l’European Social Survey. Or, il n’existe pratiquement aucune référence dans la littérature concernant ce biais particulier dû à l’absence des personnes handicapées dans les échantillons. Le premier objectif du projet de recherche est donc d’ordre méthodologique : si des techniques d’enquêtes adaptées au public ayant un handicap sensoriel sont inclues dans des enquêtes généralistes, du type ESS, nous pouvons espérer une réduction du biais de représentativité grâce à une réduction des non-réponses (Plus précisément des "Missing Not AtRandom", c’est à dire des non réponses non aléatoirement réparties dans la population). A titre d’exemple, en Belgique, nous estimons que, sur 3060 personnes contactées lors de la dernière vague de l’ESS, environ 5.7% de l’échantillon total était constitué de personnes handicapées et ont donc été exclues de l’échantillon.
Cette exclusion est aussi une forme de déni à l’égard des personnes handicapées.
L’autre objectif du projet de recherche est d’ordre éthique et civique : elle concerne l’utilisation des statistiques obtenues par le biais d’enquêtes d’opinion généralistes. Etant donné que les personnes avec un handicap sensoriel ne sont pas inclues dans les bases de
données, ils se sentent discriminés quand les résultats sont extrapolés à l’ensemble de la population Belge. Les enquêtes d’opinion sont une composante de l’opinion publique et il y a donc un réel problème à la fois éthique et civique à exclure de la récolte de données d’opinion une partie de la population en raison d’un handicap. Ce problème apparaît encore plus clairement dans le cas d’enquêtes d’opinion concernant la citoyenneté elle-même, ce qui constitue la thématique dominante de l’European Social Survey.