L’immigration dans la Russie postsoviétique : problèmes démographiques, enjeux politiques
Discutante : Anne de Tingu (Ceri)
Quelle politique de l’immigration pour un pays dont la population est en déclin constant depuis le début des années 1990 ; pour un pays où la mortalité est élevée et la fertilité très basse ; pour un pays dont presque 60% du territoire est fortement sous-peuplé et où le manque de main d’œuvre constitue de plus en plus une entrave considérable au développement économique ? Dans ce contexte de crise démographique, l’immigration apparaît comme le seul recours.
Le contexte migratoire actuel résulte de l’histoire du pays, marquée, géographiquement, par une expansion progressive de l’ouest vers l’est ; politiquement, par une gestion autoritaire de la population (restrictions fortes de la liberté des déplacements) et idéologiquement, par une vision holiste, essentialiste et ethnocentriste de la société, l’ethnicité ayant toujours été intrinsèquement liée au territoire. Après la chute de l’URSS, une vague d’immigration importante s’est effectuée vers la Russie, où elle a atteint son apogée en 1994. Depuis, le solde migratoire diminue constamment et ne parvient plus à compenser un solde naturel fortement négatif.
La politique de l’immigration en Russie oscille entre deux tendances contradictoires : d’un côté, la nécessité d’attirer la population qui fait défaut et d’autre part, une volonté politique de contrôler les flux migratoires et la localisation des populations immigrées. L’opinion publique s’avère moins sensible aux arguments économiques et pragmatiques (l’immigration comme source de main d’œuvre et de peuplement) qu’aux arguments culturels et alarmistes (l’immigration comme menace pour la sécurité et l’identité « nationale »).
Dans ce contexte, il est fort probable que le programme migratoire récemment adopté, visant à encourager le « retour des compatriotes » de l’étranger, risque d’être détournée par les partisans d’une immigration choisie au moyen de « quotas » ou d’autres dispositifs de sélection en fonction des « origines ».
par Elena Filippova.