L’expérience de la ménopause en France et en Tunisie: approche socio-anthropologique
Discutante: Thérèse Locoh (INED)
La ménopause comporte une dimension biologique et une dimension
socioculturelle qui offrent d’importantes variations selon les
ethnies, les sociétés, les cultures. Malgré de nombreuses
recherches, les facteur déterminant ces variations ne sont pas
encore bien connus. Nous avons effectué une recherche qualitative
comparative sur les facteurs influençant l’expérience et les
représentations de la ménopause dans deux pays, la Tunisie et la
France. en 2007-2008 au moyen de 75 entretiens approfondis auprès
de 18 Tunisiennes rurales et 17 Tunisiennes urbaines en Tunisie, 20
Tunisiennes en France et 20 Françaises en France. Nous avons
identifié trois types.
1. La ménopause douloureuse, l’âge du désespoir, avec des symptômes
intenses et un sentiment de forte dévalorisation sociale. Elle se
retrouve chez les Tunisiennes de milieu populaire, en Tunisie et en
France.
2. La ménopause comme perte de valeur esthétique et sociale, avec
peu de symptômes mais avec la perception de modifications
morphologiques et de l’apparence. Elle prédomine chez les
Tunisiennes de classe moyenne en Tunisie et en France et chez
quelques Françaises de classes moyennes.
3. La ménopause tranquille et déstigmatisée, avec peu de symptômes,
parfois une prise de traitement hormonal, une valeur sociale peu ou
pas modifiée. Elle prédomine chez les Françaises de classes
moyennes et elle est retrouvée chez quelques Tunisiennes de classes
moyennes en France.
La répartition de ces trois types indique que l’expérience de la
ménopause est pour l’essentiel socialement construite dans ces deux
populations et que les différences ne sont probablement pas
déterminées par des facteurs biologiques. La différence principale
se trouve en effet à l’intérieur du groupe des Tunisiennes, entre
classes populaires et classes moyennes. Le rôle du pays de
résidence n’apparaît qu’à milieu social égal entre Tunisiennes et
Françaises de classes moyennes. La charge de travail physique, le
niveau social, l’instruction, l’accès à un travail extérieur, le
degré d’indépendance économique, le degré d’autonomie dans la
famille et dans la vie sexuelle, ainsi que la force des
représentations de la physiologie féminine et des normes
morphologiques du corps féminin déterminent fortement la
symptomatologie, l’expérience sociale et les représentations de la
ménopause.