Immigration en Europe et niveaux de développement des pays émetteurs : quelles relations ?
Discutant : Jean-Christophe Dumont (OCDE)
Outre le fait qu'elles en sous-estiment le volume, les statistiques de migrations internationales offrent généralement peu de détails sur les caractéristiques des migrants. Rares sont les informations sur le niveau d'éducation, ou sur toute autre variable de capital humain. La nationalité (ou le pays de naissance) constitue la variable la mieux partagée de toutes ces statistiques, et souvent de manière très détaillée, offrant parfois une distribution des flux d'immigration par origine géographique pour la quasi-totalité des pays du monde. La disponibilité de cette information devrait en théorie permettre d'étudier les modifications dans le temps des pays émetteurs vers un pays donné, ou mieux, comparer les sources de l'immigration entre plusieurs pays. Mais sauf à se limiter aux principaux courants migratoires ou opérer des regroupements par aires géographiques souvent discutables en raison de leur hétérogénéité, l'utilisation de la richesse des séries détaillées est difficile à synthétiser. En outre, la comparaison internationale sur le critère de l'origine géographique se trouve sans objet en raison des trop grandes spécificités des flux d'immigration dans les pays récepteurs.
Pour surmonter ces difficultés d'analyse, l'idée ici développée est d'associer les statistiques d'immigration étrangère par pays de nationalité avec des indicateurs de développement des pays émetteurs: taux de mortalité infantile, taux d'analphabétisme, indice de développement humain ou encore fréquence des mariages précoces, tous ces indicateurs étant disponibles pour un large éventail de pays. En pratique, cela revient pour chacun des pays d'immigration étudié à pondérer ces indicateurs par les effectifs des flux correspondants. La liste des courants migratoires se trouve ainsi résumée en une valeur synthétique. De telles mesures n'ont bien sûr pas la prétention de qualifier les immigrants eux-mêmes en raison du caractère sélectif des migrations (le migrant n'est pas un individu moyen parmi les siens). Néanmoins, cette méthode permet de repérer les grands clivages socio-économiques des flux d'immigration qui se dirigent vers les divers pays européens.
L'objectif de ce travail est triple: 1) comparer l'immigration des pays tiers des Etats membres de l'UE15; 2) montrer leur évolution au fil du temps; 3) s'intéresser plus particulièrement aux caractéristiques des pays de provenance des migrations féminines.
Les résultats montrent que, par rapport aux autres pays de l'UE, la France accueille les immigrants des pays les moins développés, au même titre que le Portugal ou les Pays-Bas. A l'inverse, le Royaume-Uni et les pays germaniques sont classés aux premiers rangs, l'Italie, l'Espagne et les pays nordiques étant dans une position intermédiaire. La situation des vingt dernières années laisse transparaître des tendances d'évolution très hétérogènes selon les pays. Ces résultats seront complétés par les différences entre flux féminins et masculins.