Histoire de la formalisation des circulations migratoires : débats internationaux sur la mesure des retours de migrants au début du XXe siècle
Intervenant:Caroline Douki (Université Paris 8) Discutant: Cris Beauchemin (Ined)
Comme nombre de termes utilisés pour rendre compte du
déplacement des populations migrantes dans l’espace géographique et
social, celui de « circulation » ne saurait être pris comme allant
de soi, et doit faire l’objet d’un travail d’objectivation critique
et historique, au même titre que des notions telles qu’«
assimilation », « intégration » ou « diaspora ».
Il s’agira donc, lors de cette séance, de contribuer à une histoire
de la formalisation savante des circulations migratoires, en
montrant le rôle central qu’a joué, au tournant des XIXe-XXe
siècles, la mise en forme de la notion de « retour » pour décrire
les pratiques des migrants internationaux. Ce n’est, en effet, que
de manière difficile et très graduelle, que le « retour » est alors
devenu une catégorie descriptive et statistique bien
individualisée, en relation avec des questions cognitives mais
aussi techniques, administratives et politiques, âprement débattues
dans les réseaux et les forums nationaux ou internationaux de
réflexion statistique, économique ou démographique de cette époque.
L’un des grands enjeux attachés à la présentation statistique du
phénomène des retours résidait déjà dans la possibilité d’utiliser
ces chiffres dans le cadre de politiques publiques destinées à
encadrer les migrations et à soutenir des objectifs de
développement économique : volontés réglementaristes et tentatives
de reformulation des paradigmes classiques du libéralisme
économique s’entrecroisaient et s’affrontaient dans ces débats. En
tout état de cause, en cherchant les moyens de compter et de
formaliser les retours de migrants, statisticiens, économistes ou
administrateurs de divers pays émigrateurs ou immigrateurs ont
alors contribué à penser les migrations non pas seulement comme des
flux unidirectionnels, mais comme des circulations continues, qui
pouvaient, selon les contextes, se concevoir dans le cadre de
rapports internationaux dissymétriques ou dans la
réciprocité.