Genre, suicide, risques suicidaires, dépression et dépendance alcoolique. Contradictions apparentes dans les indicateurs de mal-être.
Discutant : Christian Baudelot (ENS)
Dans Le suicide, Émile Durkheim a pu montrer que les hommes se
suicidaient toujours plus que les femmes et cela quel que soit leur
statut matrimonial mais qu’ils profitaient relativement plus du
mariage que les femmes. En se basant sur les seules statistiques du
suicide, on aurait pourtant tort de conclure que les femmes, bien
que dominées, bénéficieraient d’un avantage marginal à cette
domination qui se traduirait par un bien-être supérieur aux hommes,
se matérialisant par leur plus faible taux de suicide. Le suicide
représente une forme radicale de mal-être et un indicateur qui
porte en lui ses spécificités. Ainsi, les risques suicidaires ou la
dépression touchent en priorité les femmes alors que le suicide et
la dépendance alcoolique sont principalement masculins montrant par
là que chaque genre emprunte des voies d’expression différentes du
mal-être. Dès lors, il nous semble difficile de soutenir
l’hypothèse d’une meilleure protection des femmes grâce leur
intégration familiale plus forte (Baudelot et Establet, 1984 ;
2006) car cette insertion serait alors inefficace envers les
tentatives de suicide, les risques suicidaires et la
dépression.
Cette contradiction apparente entre ces divers indicateurs de
mal-être indique que chaque indicateur porte en lui ses
spécificités et il y aurait alors un risque d’interprétation
erronée à se focaliser sur un seul d’entre eux. Si les divergences
entre ces indicateurs montrent les singularités des diverses voies
d’expression du mal-être et dévoilent des populations spécifiques,
à l’inverse leurs convergences viennent nous confirmer la solidité
des observations au-delà des particularités des marqueurs
utilisés.
A partir de l’enquête santé 2002 et du Baromètre santé 2005, nous
testons l’hypothèse d’une expression genrée du mal-être à partir
d’analyses multivariées autorisées par ces sources. Nous nous
attachons ensuite à la question du bénéfice différentiel genré au
mariage en tenant compte de l’affaiblissement de l’institution
matrimoniale et du développement de nouvelles formes
familiales.
par par Jean-Louis Pan ké shon (Ined) et Anne-Sophie Cousteaux.