Genre, suicide, risques suicidaires, dépression et dépendance alcoolique. Contradictions apparentes dans les indicateurs de mal-être.

le Lundi 27 Novembre 2006 à l’Ined, salle Sauvy

Discutant : Christian Baudelot (ENS)

Dans Le suicide, Émile Durkheim a pu montrer que les hommes se suicidaient toujours plus que les femmes et cela quel que soit leur statut matrimonial mais qu’ils profitaient relativement plus du mariage que les femmes. En se basant sur les seules statistiques du suicide, on aurait pourtant tort de conclure que les femmes, bien que dominées, bénéficieraient d’un avantage marginal à cette domination qui se traduirait par un bien-être supérieur aux hommes, se matérialisant par leur plus faible taux de suicide. Le suicide représente une forme radicale de mal-être et un indicateur qui porte en lui ses spécificités. Ainsi, les risques suicidaires ou la dépression touchent en priorité les femmes alors que le suicide et la dépendance alcoolique sont principalement masculins montrant par là que chaque genre emprunte des voies d’expression différentes du mal-être. Dès lors, il nous semble difficile de soutenir l’hypothèse d’une meilleure protection des femmes grâce leur intégration familiale plus forte (Baudelot et Establet, 1984 ; 2006) car cette insertion serait alors inefficace envers les tentatives de suicide, les risques suicidaires et la dépression.
Cette contradiction apparente entre ces divers indicateurs de mal-être indique que chaque indicateur porte en lui ses spécificités et il y aurait alors un risque d’interprétation erronée à se focaliser sur un seul d’entre eux. Si les divergences entre ces indicateurs montrent les singularités des diverses voies d’expression du mal-être et dévoilent des populations spécifiques, à l’inverse leurs convergences viennent nous confirmer la solidité des observations au-delà des particularités des marqueurs utilisés.
A partir de l’enquête santé 2002 et du Baromètre santé 2005, nous testons l’hypothèse d’une expression genrée du mal-être à partir d’analyses multivariées autorisées par ces sources. Nous nous attachons ensuite à la question du bénéfice différentiel genré au mariage en tenant compte de l’affaiblissement de l’institution matrimoniale et du développement de nouvelles formes familiales.

par par Jean-Louis Pan ké shon (Ined) et Anne-Sophie Cousteaux.