Évolutions des situations conjugales des migrant·e·s d’Afrique subsaharienne après l’arrivée en France : entre diversification des partenaires et persistance des asymétries de genre
Présenté par Mireille Le Guen (IRD-Ceped, Inserm-Cesp, Ined); Discutant : Wilfried Rault (Ined)
Si les conséquences de la migration sur la conjugalité des migrant·e·s intéressent depuis longtemps sociologues et démographes, les recherches traitent majoritairement de la mixité au sein des couples, considérée comme un facteur d’intégration. Pourtant, l’évolution des parcours conjugaux suite à la migration ne se réduit pas seulement aux origines géographiques des partenaires. Lorsqu’ils arrivent en France, les migrant·e·s d’Afrique subsaharienne sont susceptibles de connaitre des évolutions de leur situation conjugale. Si certaines unions survivent à la migration, d’autres se défont. Pour les personnes arrivées seules, les conditions de vie particulièrement précaires pourraient limiter leur chance d’entrer en union. En effet, la mise en couple dépend des capitaux que les individus sont en mesure de mobiliser, dont les effets diffèrent selon le sexe.
Cette communication présente l’évolution des situations conjugales des migrant·e·s d’Afrique subsaharienne à partir de l’arrivée en France. Les données sont issues de l’enquête biographique ANRS-Parcours réalisée entre 2012 et 2013 auprès de personnes originaires d’Afrique Subsaharienne vivant en Ile-de-France auprès de personnes suivies pour une infection VIH ou pour une hépatite B chronique, et auprès de personnes n’ayant pas été diagnostiquées séropositives pour l’une ou l’autre de ces infections. C’est sur ce dernier groupe que portent les analyses menées pour cette communication.
Les situations conjugales des migrant·e·s d’Afrique subsaharienne à l’arrivée en France sont diverses : certain·e·s arrivent célibataires, d’autres arrivent en France en étant déjà engagé·e dans une union. Ces dernières et ces derniers peuvent alors avoir migré en laissant leur partenaire « au pays », ou avec leur conjoint·e ou pour la ou le rejoindre. Les personnes arrivées en union se séparent peu en France. Parmi celles arrivées seules, on note que les femmes entrent plus rapidement en union que leurs homologues masculins. En outre, plus les conditions de vie dans lesquelles ces derniers évoluent sont favorables, plus ils entrent rapidement en union. Pour les femmes en revanche, il semblerait que le fait d’entrer en union leur permette d’améliorer leurs conditions de vie. Parce que les rôles sociaux attribués aux femmes et aux hommes sont différents, les conditions de vie dans lesquelles ils évoluent n’agissent pas de la même manière sur leur chance d’entrer en union. Enfin, si les unions contractées après la migration sont plus souvent mixtes (en termes d’origine géographique) que celles ayant débuté avant l’arrivée en France, il ne semble pas que cela conduise à modifier leurs façons de faire union. Les femmes sont plus souvent plus jeunes que leur partenaire, ont un niveau d’instruction égal ou inférieur, et ont moins souvent plusieurs partenaires en même temps. La mixité ne semble pas remettre en cause les asymétries de genre qui ont cours tant dans les sociétés africaines qu’occidentales.
Mireille Le Guen
Mireille Le Guen est démographe, diplômée de l’Institut de Démographie de l’Université de Paris I (Idup). Elle a été pendant trois ans ingénieure d’étude au sein de l’équipe Inserm « Genre, Sexualité, Santé » dirigée par Nathalie Bajos*. Durant cette période, elle a notamment étudié les pratiques contraceptives des femmes et des hommes grâce aux données des enquêtes Fecond 2010 et 2013. Depuis 2014, elle prépare un doctorat en santé publique à l’Université Paris Sud sous la direction d’Annabel Desgrées du Loû (Directrice de recherche à l’IRD, Ceped, Inserm) et d’Élise Marsicano (Maîtresse de conférences à l’Université de Strasbourg). Dans son travail de thèse, elle analyse les effets des conditions de vie sur les sexualités et l’infection au VIH des migrants d’Afrique subsaharienne vivant en Île-de-France, à partir des données de l’enquête ANRS-Parcours menée en 2012-2013.
* L’équipe « Genre, sexualité, santé » est désormais dirigée par Virginie Ringa et Alain Giami.