L’enclavement dans l’emploi non qualifié : une analyse au prisme du genre
Présenté par Sylvie Monchatre (SAGE, U. de Strasbourg, accueillie en délégation IPOPS à l’Ined) ; Discutant : Mathieu Trachman (Ined)
L’emploi non qualifié tend à être considéré comme une étape dans les trajectoires d’insertion. De fait, il a historiquement joué un rôle de « sas » d’entrée dans le salariat et permis d’échapper à des statuts infériorisés. Mais sa fonction sociale a changé. Il est devenu une voie d’accès au marché du travail pour les étudiants ou jeunes diplômés, en même temps qu’il a été investi par les politiques d’emploi pour la gestion du chômage de longue durée. Il concerne, par conséquent, un ensemble hétéroclite de primo-actifs, jeunes primo-entrants ou demandeurs d’emploi en reconversion et tend à constituer un « segment de main d’œuvre à part » dont les conditions d’emploi sont dominées par la précarité, la pénibilité ainsi que par des exigences en termes de « disponibilité temporelle » qui se traduisent par le recrutement de profils similaires de « cadets sociaux ». Le risque de voir le « sas » se transformer en trappe sous l’effet d’une gestion segmentée de la main d’œuvre n’en est que plus grand.
L’objectif de cette présentation sera précisément d’interroger les conditions du vieillissement dans l’emploi non qualifié dans le secteur des services. Le risque d’enclavement tient, tout d’abord, au fait que, dans ces emplois, le genre fait souvent office de compétence, au féminin comme au masculin. Or la prégnance du genre se prête à une naturalisation des qualifications qui contribue à les invisibiliser mais également à les dévaloriser. La précarité des conditions d’emploi joue, par ailleurs, un grand rôle dans l’enclavement, notamment pour les femmes qui sont particulièrement concernées par le temps partiel et exposées aux processus de paupérisation. Mais au-delà de ces effets de marché du travail, nous présenterons pour finir nos hypothèses sur la manière dont une perspective démographique permet d’enrichir le questionnement. Il importe en effet d’approfondir l’analyse en prenant en compte tout d’abord les enjeux de conciliation vie familiale/vie professionnelle, mais également les « âges subjectifs », qui gagnent à être appréhendés à partir des inégales opportunités de mobilité en cours de vie professionnelle selon le genre.
Sylvie Monchatre
Sylvie Monchatre est maîtresse de conférences à l’université de Strasbourg et membre de Sage (UMR 7363). Centrées sur les carrières, la montée en puissance de la « logique compétence » et les usages sexués de la main-d’œuvre, ses recherches l’ont progressivement amenée à réfléchir à une sociologie du salariat. Elle en a fait le sujet de son HDR soutenue en 2016 et intitulée « Le salariat, une cage et des ailes. Travail, compétence et genre ». Cette HDR interroge la manière dont la dynamique salariale affecte les hiérarchies sociales en général et, plus particulièrement, les rapports de genre, dans la sphère professionnelle mais aussi en dehors.
Elle a notamment publié Etes-vous qualifié pour servir ? aux éditions La Dispute en 2010 et « Petits arrangements avec la diversité. Le recrutement entre marché et mobilisation salariale » dans la Revue Française de sociologie, 2014 (55, 1). Elle a également coordonné avec Eveline Bauman et Marc Zune le dossier "L’emploi à l’épreuve de ses marges" dans la Revue Française de Socio-Économie, n° 17, 2016/2.