Devenir mère en Russie post-soviétique. Ni hasard, ni projet
Présenté par : Mona Claro (EHESS & Ined) ; Discutante : Cécile Lefèvre (Cerlis - Université Paris Descartes)
En Russie, depuis la fin de la période soviétique, on observe une tendance au report de l’entrée dans la maternité ; celle-ci reste toutefois relativement précoce, en comparaison avec l’Ouest de l’Europe. L’âge moyen au premier enfant, qui était d’environ 22,5 ans pour les femmes nées dans les années 1960, est proche de 25 ans pour celles nées dans les années 1980. Cette évolution prend son sens dans un contexte où les parcours d’entrée dans la vie professionnelle et de décohabitation sont devenus moins balisés, plus incertains que sous le socialisme. Parallèlement, l’offre contraceptive s’est diversifiée. Alors qu’à la fin de la période soviétique, les jeunes avaient tendance à commencer leur vie sexuelle avec le coït interrompu, avec la méthode du calendrier, ou sans protection, aujourd’hui, leurs débuts sexuels sont marqués par une diffusion très importante du préservatif surtout, et de la pilule dans une moindre mesure.
Cette communication se base sur une enquête par entretiens menée dans le cadre d’un doctorat en sociologie, à Moscou et Saint-Pétersbourg, auprès de femmes (N=32) et d’hommes (N=12), majoritairement diplômé·e·s, entré·e·s dans l’âge adulte avant et après la perestroïka (entre les années 1970 et 2010). L’enquête a montré que les normes (notamment de genre et d’âge) qui prévalent lors des débuts sexuels et amoureux se sont largement recomposées dans la période post-soviétique. Pour les femmes notamment, le premier partenaire est moins systématiquement un potentiel futur mari, et de nouvelles pratiques contraceptives tendent à permettre des jeunesses plus longues. Mais la montée en puissance d’un idéal de maîtrise de la fécondité en début de vie sexuelle n’implique pas nécessairement que la naissance du premier enfant soit vécue sur le registre du projet conjugal concerté et soigneusement planifié. Plus les jeunes femmes avancent dans la vingtaine, plus, dès lors qu’elles sont en couple hétérosexuel stable, une injonction à la maternité précoce peut entrer en contradiction avec l’idéal de maîtrise du risque de grossesse – en favorisant le relâchement tacite
Mona Claro
Mona Claro a soutenu sa thèse en sociologie en 2018, à l’EHESS (sous la direction de Michel Bozon et Juliette Rennes). Elle est accueillie à l’Ined, dans l’unité « Démographie, genre et sociétés » (UR4), et membre de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (Iris), ainsi que du laboratoire junior « Contraception et genre » (label Cité du Genre – Université la Sorbonne Paris Cité). Sa thèse porte sur les parcours d’entrée dans la sexualité, dans la conjugalité et dans la parentalité de deux générations de femmes, entrées dans l’âge adulte avant et après la chute du régime soviétique, en Russie.