Des élèves comme les autres ? L’inclusion scolaire des adolescents atteints de maladies graves

Basée sur l’étude de 60 trajectoires scolaires d’élèves du secondaire atteints de cancer (dont 30 études de cas), trois ans d’observation ethnographiques (observation participante, non participante et participation observante en recherche-interventionnelle) en établissements scolaires et deux années scolaires en services d’oncologie pédiatrique, cette communication se propose de réfléchir à l’inclusion des élèves gravement malades dans l’enseignement secondaire français, en partant de la situation spécifique de la pathologie cancer.

Il sera ici question de déchiffrer quelles sont les sources profondes, outre les éléments purement biologiques, des difficultés qui traversent ces « scolarités spécifiques ». On présentera les régularités dans les trajectoires des lycéens atteints étudiés dans notre recherche, en mettant en évidence les facteurs pédagogiques, sociaux et sociétaux de mise en difficulté de ces trajectoires (Strauss, 1967). En quoi la maladie grave, pensée ici comme un « évènement » entraîne-t-elle une « bifurcation » dans la « carrière » (Hughes, 1996) scolaire de ces jeunes ? 

On montrera que les spécificités posées par cette maladie représentent une forme de cas frontière où les logiques de l’institution scolaire trouvent leur limite, en tant que difficulté intrinsèque à « penser l’autre », c’est-à-dire à individualiser les parcours scolaires, et à accepter le dépassement du simple mandat de transmission des connaissances pour prendre en compte les tâches relationnelles indispensables à l’accompagnement de ces élèves « aux besoins éducatifs spécifiques ». Il sera ici question de montrer en quoi la maladie grave assigne les professionnels de l’éducation aux tâches de care (Tronto, 2009) et se heurte ainsi aux logiques de la division du travail dans les établissements scolaires, à la circulation de l’information médicale, ainsi qu’à la définition majoritaire du rapport pédagogique dans les établissements du second degré.

On mettra ainsi en évidence, comment tant au niveau inter-individuel (élève/enseignant),  groupal (établissement) ou institutionnel, le cancer des adolescents, en tant que maladie grave chargée de représentations violentes vient questionner de manière saillante la capacité de l’école française à inclure réellement des élèves gravement malades.