De l’organisation financière des ménages au processus de construction du couple et de la famille : dimensions de genre, de culture et de générations
Présenté par Caroline Henchoz (Université de Fribourg)
La typologie de Jan Pahl (1989), largement reprise par les travaux anglo-saxons sur les organisations financières des ménages, est la première formalisation décrivant comment les ressources économiques sont gérées et réparties entre les membres de la famille. Elle a été mobilisée pour déduire le niveau d’égalité existant au sein du couple. Je discuterai des limites de cette typologie, et plus particulièrement de la corrélation entre organisation financière et égalité, en partant de mes recherches sur la construction des significations et usages de l’argent au sein de couples de plusieurs générations et de différents milieux socio-culturels (Suisse et Québec).
Considérer l’argent uniquement comme une ressource à gérer,
contrôler et répartir semble insuffisant pour comprendre les
relations de pouvoir au sein du couple. En effet, l’argent peut
aussi avoir une variété de significations qui vont réguler la
manière dont il est, et peut être, utilisé (Zelizer, 2005). Comme
l’ont démontré les entretiens individuels et collectifs que j’ai
menés avec plus d’une centaine de conjoints, la signification de
l’argent est profondément influencée par des structures culturelles
et sociales ou encore par les étapes de la vie de famille. Dès
lors, il est central de tenir compte des sens que revêtent des
notions comme l’égalité, l’indépendance économique ou encore le
rôle de pourvoyeur de revenus dans différents contextes. Cela va
nous conduire à discuter de formes de pouvoir conjugal moins
manifestes comme le pouvoir invisible et latent (Komter, 1989 ;
Lukes, 2005) qui semblent mieux correspondre aux dynamiques
relationnelles des couples contemporains.