Conséquences démographiques à court et long terme de la Grande famine en Ukraine de 1933
Greniers à blé de l’URSS des années 1920, l’Ukraine et le sud de
la Russie ont été très durement frappés par les réquisitions de
grain et autres produits agricoles décidés par le pouvoir
soviétique en 1932-33. En Ukraine les confiscations ont été
tellement systématiques qu’elles ont provoqué une terrible famine.
Très tôt dénoncés à l’Ouest ces faits ont évidemment été masqués en
URSS. Ce n’est qu’après l’ouverture des archives par Gorbatchev que
l’étude démographique des conséquences a pu commencer. Cependant,
la plupart des premières estimations publiées ont reposé soit sur
des approximations grossières, soit sur les modélisations ne tenant
pas compte de données existantes relativement abondantes
(conduisant souvent, dans les deux cas, à l’exagération).
L’utilisation systématique de toutes les données disponibles permet
un chiffrage plus précis. On peut ainsi ré-estimer les conséquences
démographiques immédiates de la famine. L’espérance de vie du
moment, notamment, est tombée à 7 ans pour les hommes et à 10 pour
les femmes. Par ailleurs, les reconstructions de population et de
tables de mortalité sur lesquelles sont fondées ces nouvelles
estimations, jointes à celles récemment faites pour retracer
l’histoire de la mortalité ukrainienne jusqu’à nos jours,
permettent d’aller plus loin en mesurant aussi les conséquences
démographiques à long terme de la famine et de les comparer à
celles de la Seconde Guerre mondiale, des changements de territoire
ou de la faillite sanitaire du monde soviétique au tournant des
années 1960.