Comparabilité de la nomenclature des professions et des catégories socioprofessionnelles (PCS) : histoire et évolution future d’une nomenclature
Discutant : Christian TOPALOV (directeur de recherche au CNRS, directeur d’études à l’EHESS)
Alain Desrosières
(INSEE)
Les travaux des statisticiens
visant à décrire les situations de travail et d’emploi, les
catégories sociales, leurs habitudes de consommation et leurs
comportements culturels ou électoraux, font large usage des
déclarations des personnes sur leurs professions. Depuis les années
1950, les chercheurs en sciences sociales comme les instituts
privés spécialisés dans l’étude de l’opinion publique utilisent
largement une nomenclature des groupes sociaux créée par l’INSEE,
les Professions et Catégories
Socioprofessionnelles (PCS). Ce découpage a été conçu à une
époque où la société française était structurée en groupes sociaux
consistants, souvent dotés d’une forte conscience d’eux-mêmes et
d’organisations représentatives puissantes (les agriculteurs, les
ouvriers, les patrons, les cadres). Ces catégories empiriques
utilisées par les statisticiens et les sociologues étaient vues
comme des approximations des « classes sociales » mises
en avant par la tradition sociologique et politique. Depuis les
années 1980, il est devenu classique d’observer que ces groupes ont
perdu de leur force en tant que groupes « pour soi », que
les statuts ou quasi-statuts qui les sous-tendaient se sont
effrités, notamment sous l’effet de la crise économique, des
transformations du marché du travail et de la baisse de la
syndicalisation. Par ailleurs, certains économistes, qui préférent
souvent des critères pour eux plus faciles à enregistrer et à
coder, comme le revenu et le diplôme, voient dans l’usage
persistant de cette nomenclature une sorte d’anachronisme ayant
perdu toute pertinence. Vingt ans après la publication d’un petit
volume consacré aux recherches menées lors d’une refonte de cette
nomenclature engagée à l’occasion du recensement de 1982
(Desrosières et Thévenot 1988/2002), comment expliquer que, malgré
ces critiques fortes, elle reste toujours largement
utilisée ?
Cécile Brousse (Insee, division Emploi)
La nomenclature des
professions et des catégories socioprofessionnelles (PCS) permet
depuis des années aux acteurs sociaux, administrations ou
chercheurs l’analyse de l’évolution de la société française. Elle
sert de cadre aux négociations entre partenaires sociaux au niveau
national. Parallèlement, se développe depuis plusieurs années le
besoin d’établir des comparaisons européennes et internationales
qui exige de mettre au point une ou plusieurs nomenclatures qui
puissent être utilisées par tous les pays, tant sur les professions
que sur les catégories socioprofessionnelles.
Sous l’impulsion d’Eurostat
et d’organismes internationaux, la classification internationale
type des professions (CITP) s’est progressivement diffusée dans le
système statistique public français. La Classification
internationale type des professions (CITP) s’intéresse en premier
chef aux tâches accomplies dans l’exercice d’une profession. Cette
logique est sensiblement différente de celle qui préside, en
France, où la définition des professions et catégories
socioprofessionnelles (PCS) s’appuie non seulement sur le contenu
des tâches mais aussi sur le clivage salarié/indépendant et sur le
statut public ou privé.
En outre, depuis la fin des
années 90, l’avenir de la PCS est suspendu aux avancées du projet
européen de nomenclature socio-économique. En effet, en
août-septembre 1999, le comité de direction de l’Insee arrêtait
qu’en prévision des discussions à venir sur la construction d’une
nomenclature socio-économique européenne aucune modification
substantielle des catégories socioprofessionnelles « ne devait être
mise en oeuvre ». Dans cette même période, la Commission européenne
a commandé une série d’études sur la possibilité d’élaborer une
nomenclature socioéconomique européenne qui pourrait avoir vocation
à être utilisée dans le tronc commun des enquêtes communautaires
auprès des ménages. En 2006, deux équipes britanniques dirigées par
David Rose et Eric Harrison, appuyées par l’Office statistique du
Royaume-Uni ont soumis aux instituts de statistique un projet
baptisé EseC (pour European Socio-economic
Classification).
Suite aux réserves formulées principalement par la France et aux tentatives d’implémentation présentées par quelques instituts nationaux de statistiques à Bled en juin 2006, l’Unité Marché du Travail d’Eurostat a lancé un appel d’offre auprès des INS afin d’évaluer la proposition du consortium d’ESeC. Quatre pays se sont proposés d’examiner la pertinence de ce projet, dont la France. L’Insee, aidé de la Dares et du centre Maurice Halbwachs, a engagé différents travaux et rendra ses conclusions à Eurostat à la fin du mois de septembre après avoir consulté le Cni