Comment la liminalité de genre façonne-t-elle le rapport à la famille ? Le cas des māhū et raerae de Tahiti
Intervenant : Mickaël Durand (ingénieur de l’UR12 - mobilités, parcours et territoires ; discutante : Gwendoline Malogne-Fer (chercheuse au Centre Maurice Halbwachs - ENS/CNRS/EHESS)
Comment la « liminalité de genre » façonne-t-elle le rapport à la famille ? Le cas des māhū et raerae de Tahiti
Les māhū et raerae sont les deux catégories dites du « troisième sexe » de Polynésie française. Les māhūs sont présents en Polynésie dès avant l’arrivée des premiers colons, alors que les raerae sont une catégorie plus récente et plus stigmatisée. Les deux renvoient à des individus nés hommes mais de genre féminin, prenant le rôle social des femmes, les raerae performant une féminité plus européanisée et urbanisée que les māhū. La littérature sur le « troisième sexe » du Pacifique désigne ce phénomène répandu sur tous les territoires de la zone par « liminalité de genre ». Le rapport à la famille des māhū et raerae n’a pas été enquêté à ce jour. Or, il apparaît que la « liminalité de genre » contribue à façonner les liens familiaux et le rapport des individus à la famille. Les māhū et raerae se distancient des hommes de la famille tout en exerçant une forme de contrôle sur ces derniers, en même temps que leur « liminalité » impacte les pratiques de solidarité familiale. Par ailleurs, si l’idée d’une fluidité des catégories est pertinente, des différences significatives s’observent tout de même entre māhū et raerae du point de vue de la distance à la famille. Finalement, les modulations du rapport à la famille par la « liminalité de genre » renvoient à l’autonomie de l’individu vis-à-vis de l’espace familial et à une question de respectabilité. Le propos se fonde sur une enquête ethnographique de deux mois et par entretiens à Tahiti (juin-juillet 2021) qui compte 24 entretiens semi-directifs approfondis, réalisés dans le cadre du projet ANR « ATOLLs » (Ined).
Biographie de Mickaël Durand
Mickaël Durand est sociologue et chercheur postdoctorant à l’Ined dans le cadre du projet ANR « ATOLLs ». Ses recherches portent sur les identités sexuelles et de genre, la socialisation de genre, la politisation individuelle et la socialisation politique. Il s’intéresse plus récemment à l’interaction entre les identités de genre et sexuelles minoritaires et la famille.