Classe, race, autochtonie. Attributions des logements sociaux et ségrégation dans les cités HLM
Classe, race, autochtonie. Attributions des logements sociaux et ségrégation dans les cités HLM
Intervenant : Pierre Gilbert (sociologue et politiste, maître de conférences à l’Université Paris 8 & membre du CRESPA) ; discutante : Valérie Sala Pala (professeure en science politique à l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne)
A partir d’une enquête sur les pratiques d’attribution de logement social dans une cité HLM, combinant archives, entretiens et statistiques, cet article s’intéresse aux catégorisations de classe et raciales qui guident les pratiques des agents de terrain et à leurs effets ségrégatifs. Il montre d’abord que ces pratiques sont à l’origine de discriminations pour les fractions précaires des classes populaires, pour les femmes seules avec enfants et pour des minorités racisées. En prêtant attention à l’échelle d’observation, il souligne surtout que les logiques de gestion locative, qui accordent une prime à l’insertion locale des locataires, peuvent conduire à transformer le handicap de certaines minorités racisées (d’origine maghrébine) en ressource pour accéder aux logements les plus valorisés dans l’espace local. Il suggère, ce faisant, que la racialisation des politiques de peuplement ne repose pas uniquement sur la mobilisation de schèmes culturalistes attribuant des comportements à certains groupes sociaux, mais qu’elle peut aussi renvoyer à d’autres logiques dans lesquelles l’assignation raciale, mêlée à une identification religieuse, est associée à une forme de respectabilité locale. En conférant un capital d’autochtonie aux fractions stables des classes populaires racisées, ces politiques de peuplement offrent ainsi des possibilités de promotion résidentielle locale. Pour autant, combinées aux mécanismes discriminatoires que décrit également la littérature sur le sujet, elles tendent aussi à renforcer la ségrégation raciale à l’échelle des agglomérations.
Biographie de Pierre Gilbert :
Sociologue et politiste, Pierre Gilbert est maître de conférences à l’université Paris 8 et membre du CRESPPA-CSU. Ses recherches portent sur le rôle de l’espace dans la construction des groupes sociaux et des rapports sociaux de classe, de sexe et de race. Il a notamment étudié les transformations des classes populaires dans les cités HLM et les effets sociaux de la politique contemporaine de rénovation urbaine, ainsi que l’articulation des inégalités de classe et de genre dans la division du travail parental et domestique au sein des couples.