Caractéristiques et santé des familles sans logement en Ile-de-France : l’enquête ENFAMS
Présenté par Emmanuelle Guyavarch et Stéphanie Vandentorren, pour l’équipe ENFAMS ; discutant : Stéphane Legleye (Ined)
Les familles – des ménages composés d’enfants avec leur(s) parent(s) – constituent une part croissante de la population sans domicile. L’enquête ENFAMS (Enfants et familles sans logement) est la première, en France, à porter spécifiquement sur cette population.
Dans une perspective de sciences sociales et d’épidémiologie, elle vise à décrire les trajectoires, les conditions de vie et l’état de santé des familles, ainsi qu’à estimer la taille de la population à un moment donné.
Au premier semestre 2013, 801 familles ont ainsi été interrogées, en Ile-de-France. Elles étaient alors hébergées en centre d’hébergement d’urgence, en centre d’hébergement et de réinsertion sociale, en hôtel social, ou en centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Pour participer à l’enquête elles devaient comprendre au moins un enfant de moins de treize ans, et parler une des 17 langues de l’étude.
Chaque famille éligible, consentant à participer à l’étude, a été rencontrée à deux reprises, au sein de sa structure d’hébergement. Dans un premier temps, un binôme d’enquêteurs (dont un psychologue) a interrogé un des parents et, le cas échéant, un enfant, et réalisé un test psychométrique. Dans un second temps, des mesures anthropométriques et des prélèvements ont été faits par une infirmière. Ce rapport présente les premières analyses issues de ces données.
Il apparaît d’abord que les familles entrent dans le système d’hébergement après un parcours personnel et résidentiel heurté, à l’issue duquel elles paraissent avoir épuisé différentes formes d’accueil – limitées notamment par une grande précarité administrative. Elles se retrouvent alors vulnérables à différents titres. Entre autres indicateurs, une pauvreté et une insécurité alimentaire généralisées traduisent le fort dénuement matériel dans lequel sont plongés ces ménages. Les familles sont en outre exposées à une forte mobilité résidentielle, souvent imposée et non préparée, qui complique considérablement leur accès aux institutions, aux services sociaux, à l’école, ou encore à la santé. Les indicateurs de santé retenus sont d’ailleurs alarmants, que l’on s’intéresse à la santé physique, à la santé mentale ou encore au recours aux soins, en témoigne le faible recours au dépistage des cancers pour les femmes interrogées. La situation des enfants, chez qui l’insécurité alimentaire est notamment liée aux conditions de prise en charge, est en outre particulièrement préoccupante.
Ces premières analyses dressent donc un tableau assez sombre, qui appelle des réformes claires du système d’hébergement, au premier rang desquelles figure la limitation de l’instabilité résidentielle.
* L’équipe ENFAMS est composée de Emmanuelle Guyavarch, Erwan Le Méner, Stéphanie Vandentorren (responsables scientifiques), Amandine Arnaud, Carme Caum, Elsa Garcin, Candy Jangal, Yann Le Strat, Nicolas Oppenchaim, Thomas de Watrigant.