Vivre au-delà de 105 ans : quand l’improbable devient réalité
Communiqué Publié le 24 Avril 2024
La France compte environ 31 000 centenaires en 2024, soit trente fois plus qu’il y a 50 ans. Combien atteindront 105 ou 110 ans ? Pourquoi les super-centenaires sont-ils essentiellement des femmes ? Pourquoi sont-ils si nombreux aux Antilles ? Les auteurs nous délivrent un portrait statistique et géographique de ces « plus que centenaires ».
Jusqu’au milieu du XXe siècle, rares ont vraisemblablement été les humains ayant dépassé les 100 ans. La très forte mortalité infantile associée à des risques de décès élevés tout au long de la vie réduisait les possibilités de devenir nonagénaire et a fortiori centenaire. Cependant, avec la réduction drastique de la mortalité des enfants et jeunes adultes au XXe siècle en Europe et, dans les dernières décennies du siècle, le déclin de la mortalité aux âges élevés, les effectifs des plus âgés se sont rapidement renforcés. Alors que seules 0,02 % des personnes nées en 1850 sont devenues centenaires, cette proportion s’élève à 2 % pour la génération 1920 soit une multiplication par 100 de la probabilité d’atteindre 100 ans. L’augmentation du nombre de centenaires depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale est spectaculaire : plus de 1 000 centenaires en France en 1970, plus de 8 000 en 2000, plus de 31 000 au 1er janvier 2024. Sous l’hypothèse d’une poursuite des tendances actuelles de la mortalité, l’Insee projette plus de 200 000 centenaires en 2070.
Une multiplication des décès au-delà de 105 ans… surtout chez les femmes
Au sein même de ces centenaires, les années récentes ont vu s’imposer une nouvelle classe d’âges, les 105 ans ou plus. Bien sûr, ce nombre est encore dérisoire (moins de 0,15%) comparé aux plus de 600 000 décès observés chaque année en France mais son explosion est spectaculaire. Limité à quelques unités jusqu’à la fin des années 1980, il augmente très vite pour atteindre 924 en 2020. Pour s’assurer de la qualité de ces chiffres et éviter des erreurs, les auteurs ont procédé à des vérifications grâce à l’examen des données d’état civil des personnes décédées.
L’immense majorité des personnes décédées à 105 ans ou plus sont des femmes (843 femmes et 81 hommes en 2020, soit 10 fois plus de femmes que d’hommes). Ce ratio impressionnant tient entièrement à la surmortalité masculine, qui prévaut tout au long de la vie, notamment aux âges actifs, et qui réduit d’autant les effectifs des générations masculines par rapport à leurs homologues féminines.
Le profil des supercentenaires
On appelle supercentenaires les personnes ayant atteint l’âge de 110 ans. Dépasser cet âge reste un événement rare mais sa fréquence s’est à son tour fortement accrue dans les dernières décennies. En 2022, ce sont 39 personnes qui sont décédées à 110 ans ou plus - avec une écrasante majorité de femmes, 38 sur 39.
D’un département à l’autre, en France hexagonale, le nombre de supercentenaires rapportés à la population varie de 0 à 17 pour un million d’habitants sans qu’une géographie précise n’apparaisse. La Guadeloupe et la Martinique, avec respectivement 44 et 36 supercentenaires, pour un million d’habitants se distinguent toutefois nettement : proportionnellement à la population, on trouve près de 8 fois plus de supercentenaires en Guadeloupe et en Martinique qu’en France hexagonale.
Auteur·es : France Meslé (Ined), Jacques Vallin (Ined), Carlo-Giovanni Camarda (Ined), Arianna Caporali (Ined), Svitlana Poniakina (Ined), Laurent Toussaint, Jean-Marie Robine (Inserm et Ephe)