Violences envers les femmes dans les espaces publics,
au travail et dans les couples à La Réunion
Communiqué Publié le 08 Mars 2019
Premiers résultats de l’enquête Virage dans les Outre-mer
Dans la continuité de l’enquête Violences et rapports de genre, Virage, menée en métropole en 2015, Virage dans les Outre-mer a été réalisée par l’Ined en 2018 dans trois départements et régions d’outre-mer : La Réunion, la Guadeloupe et la Martinique. Elle cherche à actualiser les connaissances sur les violences depuis l’Enquête nationale sur les violences faites aux femmes (Enveff) en 2002 à La Réunion.
L’enquête a été réalisée par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de 2 209 femmes et de 860 hommes âgés entre 20 et 69 ans habitant à La Réunion. Elle vise à mesurer, pour les femmes et les hommes, les faits de violences verbales, psychologiques, physiques et sexuelles. Ces faits concernent d’une part, les violences vécues au sein de la sphère conjugale, au travail et dans l’espace public au cours des douze derniers mois et, d’autre part, celles vécues durant toute de la vie non seulement dans ces mêmes sphères mais également dans la sphère familiale et durant les études. Les premiers résultats présentés à l’occasion du 8 mars 2019 fournissent les principales prévalences de violences au cours des douze derniers mois précédant l’enquête dans les espaces publics, au travail et au sein du couple.
Violences dans les espaces publics au cours des 12 derniers mois précédant l’enquête
- Les espaces publics demeurent plus sexistes qu’en métropole : deux fois plus de femmes déclarent avoir été sifflées et interpellées sous prétexte de drague (36 %), trois fois plus rapportent des propositions sexuelles insistantes malgré leur refus (3 %), mais elles ont subi dans les mêmes proportions (2 %) du pelotage sexuel (attouchements seins, fesses, baisers forcés).
- La plupart des faits subis, soit 77 %, se sont déroulés dans des lieux fréquentés régulièrement par les femmes (par exemple des centres commerciaux, des transports publics…) et dans la journée (62 %). Les auteurs sont quasi exclusivement des hommes.
- Si les femmes sont principalement victimes d’inconnus, les proportions d’auteurs connus sont plus importantes qu’en métropole, notamment en ce qui concerne les propositions sexuelles insistantes (41 % d’inconnus) et le pelotage (59 % d’inconnus). Ce résultat est donc à resituer dans le contexte de fort niveau d’interconnaissance social des territoires insulaires.
- Près d’une femme sur deux en emploi ou au chômage a subi au moins un fait de violences dans les espaces publics contre un tiers des femmes inactives.
- L’effet de l’âge est particulièrement marqué : les jeunes femmes entre 20 et 29 ans sont les plus exposées aux insultes (15 % contre 9 % de l’ensemble des femmes), aux sifflements ou interpellations sous un prétexte de drague (55 % contre 36 % pour l’ensemble des femmes), et au fait d’être suivie (7 % contre 5 % de l’ensemble des femmes).
Violences au travail au cours des 12 derniers mois précédant l’enquête
- Une femme sur quatre a subi des faits de violences au travail contre une femme sur cinq en métropole. Les salariées de l’Etat, 35 % d’entre elles, sont davantage victimes.
- 22 % des femmes ont déclaré des faits de violences psychologiques, violences les plus courantes. Elles ont augmenté depuis l’enquête Enveff en 2002 et sont 1,5 fois plus élevées qu’en Métropole. Elles concernent principalement les femmes cadres et elles sont avant tout le fait de la hiérarchie (45 %) et des collègues (40 %).
- Une femme sur vingt est victime de harcèlement sexuel au travail, proportion plus élevée qu’en métropole (une sur trente) et qui a quintuplé depuis l’Enveff en 2002. Sans être une augmentation des faits eux-mêmes, la dénonciation davantage légitimée socialement qu’en 2002 de ces actes et le contexte #MeToo expliquent sans doute en grande partie ces niveaux de prévalence. Même si les victimes sont principalement des jeunes femmes entre 20 et 29 ans (9 % d’entre elles), le harcèlement sexuel demeure présent tout au long de la vie professionnelle des femmes. 9 % des femmes salariées d’une association et 6 % des femmes salariées de l’État déclarent du harcèlement sexuel au travail contre 5 % de celles qui travaillent en entreprise. Les cadres et les femmes des professions intermédiaires (infirmières, assistantes sociales par exemple) sont les plus concernées par ces violences (respectivement 10 % et 7 % d’entre elles).
Violences dans le couple au cours des 12 derniers mois précédant l’enquête
- Les prévalences de faits de violences sont restées stables depuis 2002. Néanmoins, les prévalences pour chaque type de violences sont plus importantes qu’en métropole.
- Les violences psychologiques restent les plus déclarées avec une femme sur trois à La Réunion dont 9 % en situation de harcèlement psychologique[1].
- Près d’un quart des femmes vivent dans une relation conflictuelle en 2018 contre 13 % en 2002. Le principal sujet de disputes concerne la répartition des tâches de la vie quotidienne (34 % des femmes soit 18 points de plus par rapport à 2002) et l’éducation des enfants (27 % contre 22 % en 2002).
- Les situations de conflits sont un contexte déterminant pour comprendre les violences dans le couple. Des faits de violences plus graves ont été déclarés dans des proportions plus importantes par les femmes s’étant séparées dans l’année. Ainsi, 6 % d’entre elles ont été menacées de mort et 3 % ont été menacées avec une arme, voire ont subi une tentative de meurtre.
- Parmi les facteurs à risques identifiés à ce stade de l’analyse pour l’ensemble des femmes victimes encore en couple ou pas, la situation dans l’emploi est déterminante : les femmes au chômage (16 %) et les inactives (14 %) sont les plus touchées par le cumul des faits de violences comparées aux femmes en emploi (12 %). Le nombre d’enfants est également une autre variable significative. Ainsi, alors que parmi les femmes sans enfant, 10 % déclarent des faits de violences cumulés, elles sont 17 % des femmes ayant 3 enfants ou plus.