Rencontre pendant les études et proximité de diplôme et de carrière au sein des couples
Communiqué Publié le 28 Novembre 2019
La massification scolaire a entraîné un développement des mises en couple durant les études, en particulier pour les premières relations. Les couples formés dans ce contexte se révèlent généralement plus homogames, c’est-à-dire proches en termes de diplôme et de profession, que les autres. De ce fait, la massification scolaire aurait pu impliquer une polarisation des couples entre les plus qualifiés et les moins qualifiés. Cependant cette homogamie au début de la relation ne semble pas avoir d’effets durables sur les positions professionnelles des conjoints. D’une part, parce que les premières relations ne se maintiennent pas toujours jusqu’à la fin de la carrière des conjoints, du fait des séparations. D’autre part, parce que les inégalités genrées de carrière apparaissent finalement plus fortes que l’homogamie. Ainsi, comme « homogame un jour » ne signifie pas « homogame toujours », la massification scolaire n’a pas conduit en France à une augmentation importante des inégalités entre couples. Milan Bouchet-Valat et Sébastien Grobon, chercheurs à l’Ined et à la Dares, nous éclairent sur ce phénomène, en s’appuyant sur l’enquête « Étude des Parcours Individuels et Conjugaux » (Epic) réalisée conjointement par l’Ined et l’Insee.
De plus en plus de premières rencontres pendant les études
La massification scolaire et l’allongement des études en France depuis les années 1960 ont nettement augmenté la proportion de premières relations commencées avant la fin des études et de celles formées dans le cadre des études. Alors que moins de deux premières relations sur dix commençaient avant la fin des études pour les personnes nées en 1950, c’est le cas de cinq sur dix pour les hommes nés en 1980 et même de six sur dix pour les femmes nées cette année-là (ces dernières se mettant en couple plus tôt que les hommes). La part des personnes qui déclarent avoir rencontré leur premier conjoint dans le cadre des études a aussi augmenté entre ces deux générations, passant d’une sur dix à deux sur dix pour les femmes et à trois sur dix pour les hommes.
Cependant, si l’on considère les unions en cours plutôt que les premières unions des individus, cette augmentation est moins nette, du fait du développement des séparations et des remises en couple après la fin des études : seules 45 % des unions en cours sont des premières relations. Ainsi, une personne née en 1950 sur dix a rencontré son ou sa conjoint·e au moment de l’enquête pendant ses études, et deux hommes sur dix et trois femmes sur dix né·e·s en 1980. Pour les mêmes cohortes, la part des rencontres dans le cadre des études passe d’un peu plus d’une sur vingt à une sur dix. Cette faible augmentation pourrait de plus être surestimée, si l’on considère que les générations récentes ont vécu en couple moins longtemps, et ont donc été moins été exposées au risque d’une séparation.
Contexte de rencontre et proximité sociale
Ces rencontres dans le cadre des études favorisent l’homogamie éducative : alors que dans 35 % de l’ensemble des couples les deux conjoints ont le même niveau de diplôme, c’est le cas de 50 % de ceux qui se sont rencontrés dans le cadre des études. À l’opposé, les relations qui ont débuté sur Internet et dans le cadre de loisirs s’avèrent les moins homogames, avec des taux respectifs de 26 % et de 27 %. Entre ces deux extrêmes, les rencontres par le biais des amis et de la famille, du travail ou dans des lieux publics sont proches de la moyenne.
En revanche, contrairement à ce que l’on aurait pu supposer a priori, les rencontres dans le cadre des études sont les moins homogames du point de vue de l’origine sociale : parmi les conjoints qui se sont rencontrés dans le cadre des études, seuls 28 % ont des pères qui appartiennent à la même catégorie socioprofessionnelle (contre 33 % de l’ensemble des rencontres). À l’inverse, les rencontres dans des lieux publics, pour lesquelles l’homogamie d’éducation se situe dans la moyenne, présentent l’homogamie d’origine sociale la plus forte (39 %).
Des inégalités genrées finalement plus fortes que l’homogamie
L’homogamie de diplôme ne suffit pas à elle seule à déterminer la proximité ou la distance entre les professions des conjoints tout au long d’une relation. En effet, les femmes et les hommes ne tirent pas le même rendement professionnel de leur diplôme au cours de leur carrière. Ces divergences tiennent aux inégalités de genre sur le marché du travail, dont les conséquences sont de plus en plus marquées au fil de la carrière au détriment des femmes. Les femmes, qui sont désormais plus diplômées en moyenne que les hommes, sont pénalisées dans leur carrière par l’arrivée d’un enfant et souffrent encore de clichés qui dévaluent leurs compétences professionnelles.
Ainsi, parmi les couples dans lesquels les conjoints ont le même niveau de diplôme, l’homme occupe en moyenne une position professionnelle plus élevée que sa conjointe. Cet écart est encore plus marqué lorsque l’homme est le plus diplômé. Et c’est paradoxalement parmi les couples dans lesquels la femme est la plus diplômée que les conjoints occupent des positions professionnelles les plus proches.
En bref, pendant les études, les conjoints qui se ressemblent d’un point de vue social s’assemblent. Mais les couples se séparent plus souvent aujourd’hui qu’auparavant, et les inégalités de carrière entre femme et homme au sein des couples font que la proximité de diplôme pendant les études ne se maintient pas tout au long de la vie. Ainsi, l’augmentation de la part des couples qui se rencontrent pendant les études ne conduit pas à accroître autant que l’on pourrait le penser l’ensemble des inégalités entre couples.
Pour en savoir plus :
Milan Bouchet-Valat et Sébastien Grobon : « Homogames un jour, homogames toujours ? Rencontre pendant les études et proximité de diplôme et de carrière au sein des couples en France »Institut national d’études démographiques « Population » 2019