Quelle participation des enfants aux tâches domestiques ?
Communiqué Publié le 17 Décembre 2024
Auteures : Anne Solaz (Directrice de recherche à l’Ined, Unités de recherche « Démographie économique » et « Fécondité, familles, conjugalités ») et Ariane Pailhé (Directrice de recherche à l’Ined, Unités de recherche « Démographie économique » et « Migrations internationales et minorités »)
Mettre la table, débarrasser, s’occuper des animaux : neuf enfants sur dix affirment participer à l’une de ces activités. Basée sur l’enquête Elfe, une étude inédite d’Anne Solaz et Ariane Pailhé, directrices de recherche à l’Ined, publiée dans Population & Sociétés, explore la participation des enfants de 10 ans à la vie domestique, révélant des disparités significatives entre les filles et les garçons, selon la structure familiale et le milieu social.
Les tâches les plus communément effectuées par les enfants
Près de la moitié des enfants de dix ans disent mettre la table, la débarrasser ou s’occuper des animaux domestiques quotidiennement (pour ceux qui en ont, 72 % d’entre eux). Le rangement de leur chambre mobilise neuf enfants sur dix, bien que seuls un enfant sur quatre s’y attellent chaque semaine. Au-delà de ces tâches fréquentes, les enfants s’impliquent ponctuellement dans d’autres activités domestiques : 60 % participent au moins de temps en temps à la cuisine ou au ménage, et la moitié aident à plier ou étendre le linge. Sortir la poubelle, en revanche, est moins fréquent : seulement 40 % d’entre eux qui réalisent cette tâche, souvent de façon occasionnelle. Seuls 10 % assurent ces tâches de cuisine, ménage ou gestion du linge et des déchets, chaque semaine. Ainsi, les enfants jouent un rôle non négligeable dans la gestion du foyer, contribuant tant à leur espace personnel qu’au bien-être collectif.
Les filles en font plus les garçons
À l’âge de 10 ans, les filles sont plus impliquées que les garçons dans la majorité des tâches domestiques. Si mettre ou débarrasser la table est une activité répartie équitablement entre les deux sexes, les filles sont plus nombreuses à s’occuper des animaux, ranger leur chambre, ou aider à la cuisine ou à la gestion du linge. Elles le font aussi plus fréquemment. Une seule tâche échappe à cette tendance : sortir la poubelle, davantage réalisée par les garçons. Cette répartition genrée chez les enfants reflète celle des adultes : les femmes assument plus souvent les tâches liées au soin, à la cuisine, au ménage et à l’entretien du linge, tandis que les hommes se chargent davantage de celles effectuées à l’extérieur du foyer.
Filles et tâches domestiques : des écarts selon le milieu social
La participation des garçons aux tâches domestiques varie peu selon la catégorie socioprofessionnelle du père. En revanche, celle des filles diffère davantage : celles dont le père est ouvrier ou agriculteur sont plus sollicitées, notamment pour des tâches collectives comme mettre la table, s’occuper des animaux, ou aider au ménage, à la cuisine et au linge. À l’inverse, les filles de cadres participent moins souvent aux tâches ménagères, mais rangent davantage leur chambre. Cela s’explique en partie par le recours plus fréquent à une aide-ménagère dans ces foyers (21 % contre 11 % en moyenne). Le niveau d’instruction de la mère joue aussi : les filles participent davantage que les garçons quand les mères sont sans diplôme.
Quand le père s’implique davantage, l’écart entre filles et garçons se réduit
Dans les foyers où les mères assument la majorité des tâches, les garçons en font généralement moins que les filles. Cette tendance se retrouve également, bien que plus modérée, dans les familles où les tâches sont réparties équitablement ou où la mère en fait légèrement plus. En revanche, dans les rares foyers où les pères sont plus impliqués que les mères, il n’y a pas de différence entre les sexes et les enfants, quel que soit leur sexe, participent moins aux tâches domestiques. Cette moindre implication pourrait s’expliquer par le fait que les pères absorbent une plus grande part du travail domestique.
Familles nombreuses : des enfants plus impliqués
Les enfants uniques participent moins aux tâches domestiques que ceux ayant des frères et sœurs, sauf pour le soin des animaux, qu’ils prennent plus souvent en charge. Les tâches comme mettre la table, aider au ménage ou sortir les poubelles deviennent plus fréquentes à mesure que le nombre d’enfants augmente. Cette implication accrue pourrait s’expliquer par une charge domestique plus lourde, nécessitant une répartition où chacun est sollicité. Il est aussi possible que les parents de familles nombreuses encouragent souvent la coopération entre frères et sœurs, parfois via des « tours de rôle », pour favoriser l’équité et l’esprit collectif.
Familles monoparentales : des enfants plus mobilisés ?
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les parents solo ne sollicitent pas davantage leurs enfants que les parents vivant en couple : les enfants vivant avec un parent seul (majoritairement leur mère), participent moins fréquemment à la préparation des repas que ceux vivant dans un foyer avec deux adultes (deux parents ou un parent et un beau-parent). Pour les autres tâches, leur participation est similaire. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance : dans les familles monoparentales, les repas pourraient être plus simples et rapides à préparer. De plus, un parent seul pourrait rencontrer plus de difficultés à mobiliser ses enfants ou chercher préserver leurs enfants d’un surplus de travail domestique lié à cette situation familiale.
À propos des données L’enquête Elfe est organisée par une unité mixte entre l’Institut national d’études démographiques (Ined), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l’Établissement Français du Sang (EFS). La cohorte Elfe suit 18 000 enfants depuis leur naissance en 2011, explorant divers aspects de leur vie et renseignant sur leurs caractéristiques individuelles, familiales et sociales. Les données de cette étude représentative nationalement proviennent d’entretiens menés entre janvier et septembre 2022, auprès de 7 361 enfants âgés de 10 à 11 ans, interrogés en face-à-face sur leur participation aux tâches domestiques. |
Date de publication : 18/12/2024