Mayotte : une société en pleine mutation
Communiqué Publié le 10 Mars 2017
L’Ined présente les premiers résultats de son ambitieuse enquête « Migrations, Famille et Vieillissement » réalisée dans ce département
Conçue par l’Ined qui en assure la direction scientifique et réalisée en collaboration avec l’Insee, l’enquête MFV Mayotte prolonge celles déjà conduites en 2009-2010 dans les quatre autres départements ultra-marins (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion). Reconnue par le Comité du label de la statistique publique comme « enquête inter-régionale d’intérêt national », l’enquête MFV a été élaborée en tirant le meilleur profit des travaux nationaux et européens qui traitent des mutations sociodémographiques et s’efforce de saisir les effets de leurs combinaisons sur la vie économique et sociale des départements considérés. Cette enquête s’inscrit dans le cadre des orientations stratégiques de l’Ined visant à développer la recherche démographique et sociale dans les DOM.
Le défi de cette entreprise est de réunir en une seule opération l’analyse de thématiques qui, en France métropolitaine et en Europe, font l’objet de plusieurs enquêtes distinctes. Le pari est aussi de saisir la complexité des histoires de vie des personnes interrogées, tout en mettant en lumière la spécificité de chacun des territoires étudiés.
Ce projet affiche ainsi une double exigence :
• apporter sur tous ces sujets des éclairages nouveaux et des connaissances scientifiques inédites ;
• proposer des indicateurs utiles à la définition et/ou à l’évaluation des politiques publiques.
Le contexte mahorais
Située à 8 000 km de la métropole, au nord de Madagascar dans l’archipel des Comores, Mayotte est depui 2011 le 101e département français. Sa population était évaluée à 212.600 personnes au recensement de 2012.
Croissance et recomposition de la population de Mayotte :
Plus de la moitié des jeunes adultes (18-24 ans) nés dans l’île ont une mère née à l’étranger
Sous les effets conjugués de migrations très intenses (départs et arrivées) et d’une natalité importante (4 enfants par femme en 2015), Mayotte affiche une dynamique sociodémographique sans équivalent dans aucun autre département français (la Guyane exceptée) combinant forte croissance et recomposition de sa population. Ainsi, un peu plus d’un adulte sur deux (18-79 ans) résidant à Mayotte en 2015 n’y est pas né.
Les natifs des Comores sont les plus nombreux : ils forment 42 % de la population des adultes de l’île, venus en grande majorité d’Anjouan (l’île la plus proche de Mayotte). S’y ajoutent 8 % de personnes nées en France hors Mayotte et 12 % nées dans un autre pays. Au total, quatre adultes sur dix sont de nationalité étrangère.
Mais la recomposition de la population tient aussi à l’incidence de la natalité des immigrés. En effet, à Mayotte, 21 % des adultes nés dans l’île ont une mère née à l’étranger (le plus souvent à Anjouan) ; la proportion atteint les 55 % chez les plus jeunes (18 à 24 ans).
Une mobilité importante des jeunes nés à Mayotte : la moitié d’entre eux ne résident pas dans l’île.
A cette dynamique d’ensemble concoure également l’émigration des natifs de l’île. Au recensement de 2012, plus d’un adulte sur quatre (26 %) né à Mayotte et vivant en France était installé en Métropole ou, à un degré moindre, à La Réunion. Chez les plus jeunes (18-24 ans), ce taux atteint les 45 %, soit une part supérieure à celle enregistrée aux mêmes âges aux Antilles et à La Réunion (33 % et 20 %).
A cette complexité migratoire contribuent, enfin, les « migrants-retour », c’est-à-dire les natifs de Mayotte revenus s’installer sur l’île après une expérience d’émigration « durable » (plus de 6 mois). En 2015, plus d’un adulte mahorais sur quatre est dans ce cas ; la proportion s’élève à près de un sur deux (45 %) parmi les plus jeunes (18-24 ans).
Importance du « mariage coutumier » et fragilité des unions
Le mariage « coutumier » demeure un des traits dominants de la société mahoraise. A 35 ans, 9 personnes sur 10 sont mariées ou ont été mariées. Chez les femmes, le mariage est plus précoce, mais aussi plus fragile. Entre 45 et 54 ans, la presque totalité des femmes et des hommes ont été mariés, mais 27 % des femmes ne vivent plus en couple contre 7 % des hommes.
Scolarisation et recul de la natalité
Si la natalité à Mayotte demeure la plus élevée de tous les départements français, les changements sur ce plan sont largement engagés, sous l’effet notamment de la scolarisation. La part des femmes ayant 7 enfants ou plus a été divisée par deux des générations 1940-49 à celles 1970-76. Cette baisse est principalement portée par les femmes nées à Mayotte ayant le plus bénéficié des avancées de la scolarisation. En dépit de ces évolutions, le désir d’enfant demeure élevé chez les plus jeunes (plus de 4 enfants par femme en moyenne).
Place centrale de la mère dans l’éducation des enfants
Dès leur plus jeune âge, une part importante des enfants sont à la seule charge de leur mère et vivent donc sans leur père : ils sont 1 sur 4 dans ce cas à moins de deux ans, contre 1 sur 10 en métropole. Une situation plus fréquente encore lorsque la mère n’est pas native de Mayotte, conséquence directe des conditions de
leur migration. Au-delà de la prise en charge familiale, le défi pour l’avenir des enfants est celui de leur scolarisation : elle demeure encore fortement déficitaire en raison du retard des équipements à l’origine d’une scolarité alternée pour 40 % des 7-10 ans d’après les résultats de l’enquête MFV.
Une solidarité intergénérationnelle très vive
La solidarité à l’égard des proches, et singulièrement l’aide financière, apparaît plus intense à Mayotte que dans les autres DOM. Pour l’essentiel, cette aide financière régulière se limite à la sphère familiale, en direction des parents et singulièrement de la mère. Elle est aussi davantage le fait des hommes que des femmes, en raison principalement du sous-emploi de ces dernières. Dans un contexte de grande pauvreté où 20 % des adultes déclarent ne pouvoir s’en sortir sans soutien financier, cette solidarité apparait comme un élément essentiel de la cohésion sociale. Pour les immigrants, cette aide s’adresse pour partie à des proches résidant hors du département.
Cet apport financier se complète de contributions non-financières régulières tout aussi importantes, notamment sous la forme de « garde d’enfant » tant par les plus âgés non actifs que par les jeunes sans-emploi. Si Mayotte ne compte que 4 % de seniors de 60 ans et plus, ces derniers bénéficient largement du soutien non-financier de leur(s) proche(s) pour diverses tâches de la vie quotidienne, notamment les formalités administratives et les tâches ménagères.
Consultez le détail des résultats sur le site de l’Insee à l’adresse : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2656589