Les maternités tardives n’entrainent pas une baisse de la fécondité dans les pays européens

Communiqué Publié le 18 Novembre 2021

Les maternités tardives n’entrainent pas une baisse de la fécondité dans les pays européens

Plus la première naissance est retardée, plus elle risque de ne pas avoir lieu et plus le nombre final d’enfants risque d’être faible. Les raisons en sont sociales, normatives et bien sûr, biologiques. Comment se traduit la relation entre l’âge à la première naissance et le niveau de fécondité à l’échelle des pays ? Eva Beaujouan, chercheure au Centre Wittgenstein (Autriche), et Laurent Toulemon, chercheur à l’Ined, tentent de répondre à cette question. À partir de l’étude de la fécondité des femmes et l’âge moyen à la naissance de leurs enfants, au cours des quarante dernières années, dans des pays de toutes les régions d’Europe, ils montrent que l’augmentation de l’âge au premier enfant n’entraine pas une baisse de la fécondité à l’échelle des pays, les politiques de conciliation entre les vies familiale et professionnelle jouant un rôle bien plus important dans la fécondité d’un pays.

Les premières maternités deviennent plus tardives en France comme dans la plupart des pays d’Europe

Le recul de l’âge des premières maternités est un mouvement général qui résulte en premier lieu d’une baisse de la fécondité des femmes jeunes, induite notamment par la diffusion de méthodes de contraception. Cette baisse de la fécondité est également associée au retard de certains comportements de la transition vers l’âge adulte (départ du domicile parental, hausse générale des diplômes, accès à un premier emploi stable). En France, l’âge moyen des femmes à la maternité passe de 26,5 ans en 1977 à 30,6 ans en 2016. Cette hausse de l’âge moyen à la maternité s’observe dans l’ensemble des pays européens, cependant les évolutions des niveaux de fécondité - mesurées par l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) - apparaissent très variées (figure 1).

Le retard de l’âge à la maternité ne s’accompagne pas toujours d’un effet de « rattrapage » aux âges plus avancés

Des données sont disponibles pour un grand nombre de pays entre 1996 et 2016 (figure 1). Dans l’ensemble, la fécondité baisse avant 30 ans et augmente après 30 ans sur cette période. Mais, d’une manière générale, la hausse après 30 ans est plus importante non pas dans les pays où la baisse avant 30 ans est la plus prononcée (et donc là où il y a le plus de « retard à rattraper »), mais à l’inverse dans les pays où la baisse est plus modérée (figure 1). Cette comparaison montre que le raisonnement en termes de « retard et de rattrapage », s’il a du sens à l’échelle individuelle, ne permet pas de décrire la variabilité des évolutions de fécondité dans les différents pays européens : la baisse aux âges jeunes et la hausse aux âges élevés apparaissent plutôt comme des phénomènes simultanés, sans relation directe l’un avec l’autre.

L’augmentation de l’activité professionnelle des femmes au cœur des évolutions de la fécondité

Dans les pays où la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale est la plus difficile, il est observé à la fois moins de femmes actives et moins d’enfants : les femmes doivent choisir entre travailler et élever de jeunes enfants. Dans les pays où cette conciliation est moins difficile, les mères sont davantage actives et les femmes actives ont davantage d’enfants. À l’échelle des pays, les effets de contexte dominent les contraintes individuelles, notamment biologiques. Les évolutions de la fécondité dans les différents pays européens résultent des modalités rendant possible la naissance d’enfants aux âges élevés – telles que les dispositions pour favoriser la conciliation des vies professionnelle et familiale, plus que de la baisse de la fécondité aux âges jeunes ou que des contraintes biologiques de la reproduction. C’est pourquoi les politiques familiales et les conditions économiques conjoncturelles jouent un rôle majeur sur les niveaux de fécondité.

DONNÉES UTILISÉES

Les données utilisées sont des données agrégées sur la fécondité dans les pays européens, diffusées par divers organismes : la base de données Eurostat et la Human Fertility Database (Max Plank Institute for Demographic Research and Vienna Institute of Demography). Lorsque cela a été nécessaire, les données directement issues des instituts nationaux ont été utilisées.

Au-delà des indicateurs standard de la fécondité utilisés pour contextualiser l’étude (indicateur conjoncturel de fécondité [ICF], âge moyen aux naissances), les taux de fécondité par âge ont été utilisés afin de mieux détailler les effets du retard des naissances sur la fécondité dans les dernières décennies. Les changements de calendrier de la fécondité ont été mis en regard avec les évolutions du niveau de cette fécondité, en mettant l’accent sur le nombre total de naissances et la proportion de femmes qui restent sans enfant dans chaque génération.

Pour en savoir plus :

Eva Beaujouan et Laurent Toulemon, 2021, European countries with delayed childbearing are not those with lower fertility, Genus 77: 1-15.

Cet article a été publié dans une revue scientifique référencée par les instances d’évaluation.