La première étude sur la mortalité des descendants d’immigrés de deuxième génération en France révèle une importante surmortalité chez les hommes d’origine nord-africaine

Communiqué Publié le 25 Juin 2019

Auteur-e-s : Michel Guillot, Myriam Khlat et Matthew Wallace

La France compte une importante population de descendants d’immigrés de deuxième génération, c’est-à-dire les personnes nées en France de parent(s) immigré(s). Si les disparités socioéconomiques selon les pays d’origine sont bien identifiées, les inégalités de santé, et plus particulièrement en matière de mortalité, demeurent méconnues. Michel Guillot et Myriam Khlat, directeur.rice.s de recherche à l’Ined, et Matthew Wallace, post-doctorant à l’Université de Stockholm, ont analysé les niveaux de mortalité entre 1999 et 2010 d’adultes nés en France de deux parents immigrés. Ces travaux, réalisés pour la première fois en France, révèlent une importante surmortalité chez les hommes d’origine nord-africaine.

Parmi les pays de l’Union européenne de plus d’un million d’habitants, la France est le pays qui compte la plus grande population de descendants d’immigrés de deuxième génération, tant en termes absolus que relatifs. En 2014, la population d’individus nés en France avec au moins un parent immigré représentait 9,5 millions de personnes, soit 14,3 % de la population totale. En raison de l’histoire de l’immigration en France, la population de deuxième génération est, aujourd’hui, vaste et diversifiée : les régions d’origine les plus représentées sont l’Europe du Sud (Portugal, Italie ou Espagne) et l’Afrique du Nord (Algérie, Maroc ou Tunisie), chaque région représentant un tiers environ, le dernier tiers comprenant un ensemble très diversifié de pays d’origine des parents, notamment des pays d’Afrique subsaharienne, d’Europe et d’Asie.

Un travail de recherche unique en France

Si les inégalités en matière de niveau scolaire, d’emploi et de revenu des descendants d’immigrés de deuxième génération d’origine non européenne sont bien documentées, aucun travail de recherche ne s’était intéressé jusqu’alors aux disparités dans le domaine de la mortalité.
Les auteurs de cette étude, Michel Guillot, Myriam Khlat et Matthew Wallace, ont choisi d’étudier pour la première fois ce sujet. Ils ont utilisé l’échantillon longitudinal de mortalité (ELM), échantillon représentatif à l’échelle nationale de 380 000 personnes âgées de 18 ans et plus en 1999 (issu de l’Étude de l’histoire Familiale-EHF de 1999) et ont exploité un suivi de la mortalité au moyen de registres de décès appariés jusqu’en 2010. Ils ont comparé les niveaux de mortalité des descendants d’immigrés de deuxième génération âgés de 18 à 64 ans et originaires d’Europe du Sud et d’Afrique du Nord avec ceux de leurs homologues immigrés de première génération et avec ceux de la population de référence (personnes nées en France de deux parents eux-mêmes nés en France).

Une surmortalité importante constatée chez les hommes d’origine nord-africaine

Alors que la probabilité estimée de décès entre 18 et 65 ans s’élève à 162 pour 1 000 pour les hommes de la population de référence, elle est 1,7 fois plus élevée pour les hommes nés en France de deux parents immigrés d’Afrique du Nord (276 pour 1 000). Elle est en revanche plus faible pour ceux de la deuxième génération d’origine sud-européenne (106 pour 1 000), ainsi que pour les hommes immigrés de première génération toutes origines confondues. La surmortalité observée pour les hommes de deuxième génération d’origine nord-africaine demeure importante après ajustement en fonction du niveau d’instruction.
Les résultats concernant les femmes ne relèvent pas de différences statistiquement significatives par rapport à la population de référence sauf pour les femmes immigrées de première génération d’origine sud-européenne qui bénéficient d’un avantage en matière de mortalité similaire à celui des hommes.

Le statut de deuxième génération d’origine maghrébine, source importante de disparité de santé

La faible mortalité observée pour la première génération s’explique en partie par les effets de sélection de la migration (effet « immigré en bonne santé »), phénomène bien connu dans les études sur le sujet.
Les raisons de la surmortalité chez les hommes d’origine maghrébine de deuxième génération sont plus difficiles à identifier en raison du manque de données notamment sur les comportements liés à la santé et les causes de décès. En ce qui concerne les facteurs tels que le statut socio-économique, les résultats suggèrent que cette surmortalité ne s’explique pas simplement par les différences de niveau d’éducation, mais par un vaste ensemble de désavantages, notamment sur le marché du travail et sur le niveau des revenus. Des études ont montré que la perception de la discrimination sur le marché du travail est plus répandue dans la deuxième génération que dans la première génération d’immigrés de même origine, ce qui peut avoir un impact négatif sur la santé.

Ces premiers résultats en matière de mortalité montrent que les nombreux désavantages auxquels font face les hommes d’origine nord-africaine de deuxième génération en France comportent une dimension de santé publique importante et inconnue jusqu’ici. Ils sont particulièrement significatifs étant donné la taille de la population d’origine nord-africaine en France ainsi que les nombreuses difficultés socio-économiques et les phénomènes de discrimination auxquels elle est déjà confrontée.

 

Ci-joint et sous embargo l’article scientifique à paraitre dans Demographic Research le 27 juin 2019 à 06h00 à l’adresse : www.demographic-research.org/Volumes/Vol40/54/

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