Insertion et entre-soi : l’immigration chinoise est diverse

Communiqué Publié le 27 Mai 2024

Auteures : Isabelle Attané (Ined) et Giovanna Merli (Sanford School of Public Policy et Duke Population Research Institute, Duke University) 

Bien que les flux d’immigration en provenance de Chine soient aujourd’hui moins importants que pendant les dernières décennies du XXème siècle, la France occupe le 5e rang en Europe en termes d’effectifs d’immigrés chinois sur son territoire. S’appuyant sur la première enquête quantitative dédiée à ceux présents en Île-de-France, Isabelle Attané et Giovanna Merli décrivent la variété de leurs modalités d’insertion professionnelle et sociale.

La France comptait 116 000 immigrés chinois en 2021. Par rapport à la fin du siècle dernier, la croissance du nombre d’immigrés chinois a fortement ralenti, notamment au cours de la dernière décennie. Ce repli relatif résulte en partie des changements politiques opérés depuis l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping en 2012, marqués par un resserrement des liens du régime chinois avec la diaspora et par un renforcement de la politique d’incitation au retour. Il traduit aussi une relative désaffection des immigrés chinois pour la France, sans doute liée à un contexte de durcissement de sa politique migratoire. En France, le nombre de Chinois bénéficiaires d’un premier titre de séjour a été divisé par deux entre 2013 et 2021.

Une population hétérogène, un entre-soi à nuancer 
Les deux principaux groupes d’immigrés chinois sont les anciens étudiants internationaux et les migrants économiques. Ces derniers résident principalement en Île-de-France où ils sont fortement représentés dans les secteurs de la restauration, des bars-tabac ou encore le commerce de gros.

Les migrants économiques en Ile de France sont majoritairement originaires de la région sud-est de Chine et presque la moitié vient de l’agglomération de Wenzhou. Ils ne sont généralement pas ou peu diplômés et maitrisent mal le français : 21 % seulement déclarent le parler « bien » ou « très bien ». Leurs réseaux de sociabilité et professionnels restent ancrés dans un certain entre-soi reposant sur leur origine nationale ou régionale. L’ancrage régional des relations sociales (« entre-soi ») est dominant chez les originaires de la région de Wenzhou, mais il est moins marqué pour les migrants du Nord-Est, qui ont des sociabilités chinoises plus ouvertes à des immigrés issus d’autres régions de Chine. Les migrants économiques sont massivement présents sur le marché du travail dit « ethnique », c’est-à-dire que leur employeur et la majorité de leurs collègues sont également chinois et que la langue parlée sur le lieu de travail est le mandarin ou un dialecte chinois. L’ancrage communautaire des Wenzhou constitue un atout pour le développement de leurs activités économiques.

Les anciens étudiants internationaux ont peu en commun avec les migrants économiques : ils sont, notamment, plus jeunes (34 ans contre 49 ans), comptent une plus forte majorité féminine (63 % contre 55 %), ont une bonne maîtrise du français (84 % le parlent bien ou très bien). Ils développent davantage leurs réseaux de sociabilité hors de la sphère chinoise, notamment dans le cadre professionnel.

Loin de former un groupe soudé et monolithique, les immigrés chinois en Île-de-France ont ainsi des profils et modes de sociabilité divers.

 

Date de publication : 29/05/2024