Écart de niveau en mathématiques entre les filles et les garçons : À quel âge apparait-il ?

Communiqué Publié le 09 Septembre 2022

La sous-représentation des filles dans les filières technologiques et mathématiques, ainsi que dans l’ingénierie témoigne de l’existence d’un « fossé mathématique » favorisant les garçons. L’enquête ELFE (Étude longitudinale française depuis l’enfance) permet pour la première fois de connaître le moment précis auquel cet écart apparait : entre la moyenne section de maternelle et le cours préparatoire (CP). Ce résultat est un pas important vers une meilleure compréhension de son origine.

Une origine innée peu probable

Jusqu’à récemment, le débat portait sur l’origine innée ou sociétale de la différence de performance en mathématiques entre les sexes. Aujourd’hui, l’idée d’une origine totalement innée est difficile à défendre. D’abord, parce que les mathématiques sont un sujet fondamentalement symbolique et abstrait et donc inaccessible aux bébés et aux tout-petits. Ensuite, parce que même les mathématiques non symboliques, lorsqu’elles sont testées sur des tout-petits, ne conduisent pas à un avantage pour les garçons. Par conséquent, l’origine de l’écart ne devrait pas se situer avant l’âge de 3 ou 4 ans. C’est pourquoi il a semblé approprié d’étudier son origine entre 4 et 7 ans. Les données récentes de l’Enquête longitudinale française depuis l’enfance (ELFE) ont permis d’étudier cet écart - sa présence et son éventuelle émergence – dans cette tranche d’âge. Il s’agit d’une recherche empirique inédite dans ce domaine.

Un écart de niveau entre filles et garçons qui apparaît vers l’âge de 5-6 ans

Deux résultats significatifs ressortent de cette étude. En premier lieu, à l’âge de 4-5 ans, l’écart en faveur des garçons est inexistant, et on observe même un léger avantage pour les filles. En second lieu, un net avantage pour les garçons en mathématiques apparait chez les élèves de 6-7 ans (Figure 1, partie gauche). Si l’on admet que l’écart en mathématiques se développe avec une certaine régularité, l’âge de son origine se situe donc autour de 5-6 ans, entre la moyenne section de maternelle et le CP. La prise en compte de certaines variables importantes, comme le niveau de performance en maternelle, n’affaiblit pas, ou du moins ne fait pas disparaître la mesure de l’influence du genre en CP. Cette émergence de l’écart entre sexes, vers 5-6 ans, est spécifique aux mathématiques : on n’observe pas, aux mêmes âges, une telle évolution dans les compétences langagières qui restent supérieures chez les filles (Figure 1, partie droite).

La différence entre les sexes dans les performances en mathématiques est une question importante pour la politique éducative et économique. Parce qu’il favorise majoritairement un sexe – les garçons – l’écart en mathématiques peut être vu comme l’expression d’une inégalité entre les sexes à l’école et dans la société. Parce qu’elle favorise les hommes adultes, qu’ils soient jeunes ou plus âgés, elle est considérée comme responsable de la sous-représentation des femmes dans les futurs métiers de la science, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques. L’origine et les causes du développement de cet écart entre filles et garçons sont encore mal connues. Les comprendre demeure un enjeu pour pouvoir l’éviter.

DONNÉES UTILISÉES

L’enquête ELFE (Étude longitudinale française depuis l’enfance) a comme objectif de suivre pendant 20 ans 18 000 enfants nés en 2011. L’ampleur et l’ambition de cette étude en font une première en France pour étudier le développement à grande échelle des jeunes enfants, dans les domaines des apprentissages notamment. La recherche publiée repose sur l’analyse des données de plus de 2000 élèves issus de la cohorte Elfe (Figure 1) et 10000 autres recrutés à titre complémentaire), âgés de 4 à 7 ans, scolarisés en France en moyenne section de maternelle et en CP.

Pour en savoir plus : https://www.elfe-france.fr/

Pour en savoir plus :

Jean-Paul Fischer et Xavier Thierry, 2022, Boy’s math performance, compared to girls’, jumps at age 6 (in the ELFE’s data at least), British Journal of Developmental Psychology.

Cet article a été publié dans une revue scientifique référencée par les instances d’évaluation.