1989-2019 : Trente ans de bilinguisme de la revue Population, un pari réussi
Communiqué Publié le 28 Octobre 2019
Revue Population, 2019, n° 3
La recherche en sciences sociales s’est aujourd’hui largement internationalisée, avec des chercheurs de nationalités diverses travaillant ensemble et effectuant des mobilités internationales. L’anglais est incontestablement devenu la langue de communication et de publication privilégiée pour qui veut diffuser largement les résultats d’une recherche. Toutefois, la publication dans la langue nationale reste une nécessité. Elle assure une meilleure diffusion des résultats auprès d’un large public non académique, et en particulier auprès des décideurs politiques. Le maintien d’une culture scientifique dans la langue nationale est également un enjeu important.
Comment les revues peuvent-elles répondre à des objectifs parfois contradictoires aux niveaux national et international, et des exigences de plus en plus fortes en termes de qualité scientifique et de diffusion ? Certaines revues européennes de démographie, initialement publiées dans la langue nationale, sont maintenant uniquement publiées en anglais. D’autres ont pris l’option du libre choix de la langue en autorisant les auteurs à publier soit en anglais, soit dans la langue nationale, mais ces revues ont souvent basculé dans le « tout en anglais » au bout de quelques années. D’autres enfin ont fait le choix du bilinguisme en proposant les articles scientifiques à la fois dans la langue nationale et dans la langue anglaise, permettant ainsi une diffusion large de la production scientifique à l’échelle internationale en anglais mais aussi auprès d’un lectorat moins familier avec la langue anglaise. Ce choix éditorial permet également aux chercheurs d’écrire dans leur langue d’origine et d’être lu au-delà de leur frontière linguistique. Il est toutefois plus couteux en termes de traduction et d’organisation éditoriale. C’est ce modelé exigeant de traduction intégrale qu’a choisi la revue Population depuis 2002.
Dès 1989, il y a 30 ans, la revue proposait déjà une partie de ses articles dans les deux langues avec son English Selection. Une sélection d’articles publiés en français étaient traduits en langue anglaise et édités dans un numéro à part. Être publié dans l’English Selection était assurément la reconnaissance d’un travail de grande qualité et susceptible d’intéresser un très large lectorat. Ce choix précurseur pour une revue de sciences sociales a assuré à la revue Population une reconnaissance internationale. C’est fort de ce succès que la revue est devenue complètement bilingue 13 ans plus tard. Désormais, les auteurs peuvent soumettre leur article en français ou en anglais, puis être traduits et publiés dans les deux langues.
Toute l’équipe de Population, ancienne et actuelle, est fière de fêter ces 30 ans de bilinguisme. À cette occasion, les articles de la première édition de l’English Selection ont été numérisés et consultables sur le site de la revue (http://www.revue-population.fr/; http://www.journal-population.com/).
Revue Population 2019, n° 3 (numéro anniversaire : 30 ans de bilinguisme), consultez :
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ZOOM SUR
Prix jeune auteur.e Population 2019
Évolutions et déterminants de la primo-nuptialité en République populaire de Chine : une perspective historique
Kim Qinzi Xu
Tout au long de l’histoire de la République populaire de Chine, l’âge au mariage n’a cessé d’augmenter sous l’effet des politiques étatiques et des évolutions socioéconomiques, sans que le mariage ne perde de son attrait. Simultanément, le célibat définitif subi par certains groupes de population – dû à un déséquilibre du rapport des sexes sur le marché matrimonial et aux préférences de genre en termes de choix du conjoint – fait l’objet d’une inquiétude croissante. Cette étude utilise une analyse de survie de type cure afin de modéliser conjointement les déterminants de la probabilité et du calendrier du premier mariage. Nous évaluons les évolutions du mariage parmi plusieurs générations successives à l’aide de données provenant de multiples vagues de l’Enquête sociale générale sur la Chine. Les résultats suggèrent que, pour la plupart des cohortes d’hommes et de femmes, un faible niveau d’éducation correspond à des mariages précoces, mais avec de moindres chances de se marier tout au long de la vie. Pour les plus jeunes cohortes d’hommes, le fait de résider dans des provinces moins développées est associé à une entrée dans le mariage plus précoce, mais à une probabilité réduite de se marier. Parmi les plus jeunes cohortes de femmes, habiter une grande ville apparaît comme le principal facteur d’affaiblissement de l’intensité du mariage. Téléchargez ici et consultez l’intégralité de cet article
Le marquis de Sade et la question de la population
Jean-Marc Rohrbasser, Jacques Véron
Dans quatre de ses textes majeurs (Aline et Valcour, Histoire de Juliette, La Nouvelle Justine et La Philosophie dans le boudoir) écrits entre 1795 et 1799, Sade manifeste un intérêt certain pour la question de la population. Il élabore ce qui pourrait s’apparenter à un système cohérent. La propagation de l’espèce humaine est envisagée comme une entrave au bien-être tant à l’échelle collective qu’au niveau individuel. Pour Sade, tout devrait être mis en œuvre pour limiter cette propagation, puisque l’humanité ne peut revendiquer aucun statut d’exception dans la nature. L’abandon d’enfants, l’infanticide, la sodomie ou l’avortement sont alors présentés comme autant de freins à la population. Par ailleurs, comme Malthus à la même époque, Sade craint un accroissement du nombre des pauvres et se montre par conséquent hostile à toute aide envers eux. Au-delà des excès auxquels se livrent les personnages des romans de Sade, dont les « dissertations » illustrent ses conceptions en la matière, les idées développées dans ces œuvres, en raison de leur cohérence et de leur originalité, méritent une véritable attention. Alors que chez Malthus le principe de population légitime en dernier ressort la contrainte morale, pour Sade le principe de plaisir doit toujours prévaloir. La dialectique de la destruction et de la création fonde la théorie sadienne de la population.
Difficultés économiques et transformation des unions à Kinshasa
Jocelyn Nappa, Bruno Schoumaker, Albert Phongi, Marie-Laurence Flahaux
Kinshasa, mégapole de près de 10 millions d’habitants, a connu d’importantes transformations économiques, sociales et démographiques au cours de ces dernières décennies. Cet article analyse les transformations des pratiques matrimoniales dans un contexte de détérioration des conditions économiques et de pénurie d’emplois. Les données de l’enquête du projet Mafe (Migration entre l’Afrique et l’Europe), réalisée en 2009 à Kinshasa, mettent en évidence le recul des premières unions et des mariages, pour les hommes comme pour les femmes. Des analyses biographiques montrent que les difficultés économiques diminuent les chances de se marier. Les effets des facteurs économiques sont plus prononcés pour les hommes que pour les femmes, et l’écart dans les chances de mariage entre les hommes qui disposent de ressources et ceux qui en ont moins s’est lui aussi accentué au fil du temps. Le coût croissant du mariage, qui repose en grande partie sur le futur marié et sa famille, ainsi que les difficultés croissantes pour répondre à ces exigences financières, expliquent en partie ces résultats. Dans ce contexte, les unions libres et les naissances hors mariage se développent et tendent à se substituer aux mariages.
Comparaison de survie de cohortes entre les pays d’Europe centrale et orientale et les pays à longévité élevée
Marília R. Nepomuceno, Vladimir Canudas-Romo
Malgré les progrès récents et notables de la survie en Europe centrale et orientale, cette région reste loin derrière des pays les plus développés. En se plaçant dans une perspective de cohorte pour étudier l’écart de mortalité entre les pays d’Europe centrale et orientale et un groupe de pays dont la longévité actuelle est élevée, cet article montre comment la survie des cohortes contribue au différentiel de mortalité global. La décomposition de la « durée de vie moyenne transversale sur données tronquées » permet d’isoler les contributions des âges et des cohortes à l’écart de mortalité. À partir de données concernant la période 1959-2013 et issues de la Base de données sur la mortalité humaine (Human Mortality Database), on constate que, par rapport à leurs homologues vivant dans des pays à longévité élevée, la plupart des cohortes d’Europe centrale et orientale nées en 1959 et après ont des taux de mortalité plus élevés, de la naissance à l’âge atteint en 2013. Toutefois, certaines cohortes d’Europe centrale et orientale bénéficient d’un avantage de survie. C’est par exemple le cas des cohortes tchèques nées au début des années 1960 et des cohortes nées dans des pays de l’ex-URSS durant cette même décennie.
Qui reste à la maison ? Organisation du travail rémunéré et des congés après une naissance au sein des couples bi-actifs en Belgique
Jonas Wood et Leen Marynissen
Bien que les pays occidentaux aient connu un développement sans précédent du modèle des couples à double revenu, l’égalité entre les hommes et les femmes sur le marché du travail reste insuffisante : la division du travail rémunéré entre les sexes continue d’être inégale après les naissances, et les congés parentaux sont très largement pris par les mères. À l’aide de données de panel basées sur des registres belges pour la période 1999-2010, nous évaluons l’influence des caractéristiques d’emploi relatives des conjoints avant l’arrivée d’un enfant, sur les situations d’emploi et de prise de congé après la naissance. Les résultats des modèles logit multinomiaux confortent l’hypothèse microéconomique selon laquelle le membre du couple ayant le salaire le plus élevé, la plus longue expérience et réalisant le plus d’heures de travail avant la naissance, a le moins de probabilité de quitter le marché du travail. Enfin, les simulations indiquent qu’au niveau macro, l’impact des caractéristiques d’emploi avant la naissance n’est pas assez fort pour aller au-delà des inégalités de genre post-naissance, particulièrement pour le recours au congé parental qui reste fortement lié aux normes sexuées et aux institutions.
Mesures des migrations internes par période et par cohorte
Martin Kolk
La migration est rarement analysée selon une perspective de cohorte, ce qui n’est pas le cas pour la fécondité et la mortalité. Cette étude montre comment utiliser une méthodologie démographique standard pour étudier la migration interne en associant période et cohorte au niveau de la population. Les taux de migration par âge et le taux de migration totale sont présentés pour les données de période et de cohorte. Les données du registre administratif suédois des années 1970 à 2012 sont utilisées pour toutes les migrations entre paroisses de l’ensemble de la population. Les résultats montrent une augmentation globale de la concentration des migrations au début de l’âge adulte, tandis que la fréquence des migrations totales au cours de la vie reste stables depuis 1970, avec une légère baisse dans les années 1980. Les taux par cohorte affichent moins de fluctuation que les taux par période. L’analyse montre qu’une approche macrodémographique est utile non seulement pour la migration, mais aussi pour examiner simultanément les tendances par cohorte et par période. Ces méthodes peuvent facilement être étendues en décomposant les données en différents seuils de distance et selon le rang de la migration, en fonction des données disponibles.
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