Population 1998, n°6
1998
- Évolution et variations géographiques de la surmortalité masculine du paradoxe français à la logique russe - France Meslé, Jacques Vallin
- L'insoutenable incertitude du nombre : estimations des décès de la période Khmer rouge - Patrick Heuveline
- Politique familiale et travail des mères de famille, perspective historique 1942-1982 - Jacqueline Martin
- La morbidité dans les ménages originaires du Maghreb, sur la base de l'enquête Santé de l'Insee, 1991-1992 - Myriam Khlat, Catherine Sermet, Dominique Laurier
- Emploi, chômage et stratégies familiales au Maroc - Mohamed Douidich
- L'Espérance de vie à la naissance et la surmortalité féminine en Algérie en 1954 - Kamel Kateb
- Pratiques, opinions et attitudes en matière d'excision en Afrique - Thérèse Locoh
I. Analyse critique
- L'économie en révolution - Le cas russe, 1870-1930 - Stanziani A.
- Population, société et développement en Algérie - Aouaragh L., Boumghar A., Bousri A., Mokaddem A. et al.
- La généalogie entre science et passion - Barthélémy T., Pingaud M.-C.
- Islam, législation et démographie en Algérie - Bourayou M., Belhadri R.
- Différenciation sexuelle dans la mortalité sénile - Buettner T.
- The origins of native americans. Evidence from anthropological genetics - Crawford M.
- À chacun sa famille - Fine A., Laterrasse C., Zaouche Gaudron C.
- La ville divisée. Les ségrégations urbaines en question - Fourcaut A. (dir.)
France Meslé, Jacques Vallin
Dans les pays occidentaux, depuis un siècle, et notamment dans les années 1950 à 1980, la surmortalité masculine s'est considérablement accrue alors que l'espérance de vie augmentait, donnant à penser que les femmes ont davantage que les hommes profité du progrès sanitaire. Pourtant, durant toute cette période, un phénomène d'apparence contraire caractérise les variations géographiques : plus l'espérance de vie est forte, plus la différence entre sexes est faible. Ce paradoxe, particulièrement net en France, s'explique par le fait que les causes de décès qui dominent la géographie de la mortalité ne sont pas les mêmes que celles qui se trouvent pour l'essentiel à l'origine des progrès de l'espérance de vie. Dans le premier cas, il s'agit surtout de causes spécifiquement masculines au premier rang desquelles l'alcoolisme alors que dans le second, ce sont les maladies cardio-vasculaires et les cancers, dont l'évolution est plus favorable aux femmes.
Dans les pays de l'est, et tout particulièrement en Russie, où la mortalité a augmenté au cours des trente dernières années, on observe, au contraire, une parfaite cohérence entre le relief géographique de la mortalité et l'évolution de l'espérance de vie : les mêmes causes (notamment celles liées à l'alcool et à la violence) étant responsables à la fois des variations géographiques de l'écart entre sexes et d'une grande part de la détérioration de la situation sanitaire du pays.
INED, Population n° 6, 1998 - page 1079
L'insoutenable incertitude du nombre. Estimations des décès de la période Khmer rouge
Patrick Heuveline
Cet article présente les différentes méthodes employées pour estimer la mortalité pendant la période Khmer Rouge, méthodes regroupées en deux principaux types : la méthode par échantillonnage et la méthode « résiduelle ». Le premier type s'appuie sur des entretiens à partir desquels est estimée la proportion de survivants parmi les proches des personnes interrogées. Avec le second type d'approche, la mortalité n'est pas observée mais mesurée indirectement par différence entre l'évolution des effectifs, les naissances et les migrations internationales.
La première approche a généralement fourni des estimations de l'excédent de mortalité durant cette période plus élevées (de 1,5 à 2 millions) que la seconde (1 million ou moins). Tout en discutant des mérites respectifs des deux approches, cet article s'efforce de comprendre l'incompatibilité apparente des estimations existantes en s'intéressant également à l'incertitude inhérente à toute procédure de mesure.
Si, dans le contexte du Cambodge, l'approche résiduelle est susceptible de fournir des résultats relativement plus robustes que l'échantillonnage, les données d'enquête renseignent également sur les causes de décès. Une décomposition par cause est plus délicate quand les décès sont estimés résiduellement mais il est néanmoins possible d'isoler les morts violentes en faisant une hypothèse sur la structure par âge de la mortalité sous-jacente. Dans le cas du Cambodge, les résultats de cette approche apparaissent tout à fait compatibles avec ceux obtenus par échantillonnage.
INED, Population n° 6, 1998 - page 1103
Politique familiale et travail des mères de famille. Perspective historique 1942-1982
Jacqueline Martin
La perspective historique et la prise en considération du contexte socio-institutionnel mettent en évidence, la montée d'une opposition au travail professionnel des femmes mariées afin qu'elles soient prioritairement et à plein temps des mères, des ménagères et des éducatrices. La politique familiale adoptée dans les années 40 est marquée par ce processus historique. Elle apparaît comme le fruit de cinquante ans de débats sur la place des femmes mariées entre famille et activité professionnelle.
Par un retour sur les fondements de la politique économique en faveur des familles mise en œuvre après 1945, et à partir de données précises et inédites sur l'Allocation de Salaire Unique, il sera montré que l'ASU constitue la pièce maîtresse de l'objectif nataliste et repose en priorité sur une politique économique incitative visant à limiter la salarisation des femmes dès le mariage. En raison de la règle de progressivité selon le rang de l'enfant appliquée à cette allocation, l'incitation à l'inactivité diffère selon le nombre d'enfants à charge et varie dans le temps en fonction des réformes de la politique familiale.
La reconstitution et l'évolution des montants des prestations familiales comparés au salaire féminin, selon trois tailles de familles permet de relativiser les interprétations antérieures des mouvements de l'activité féminine après guerre.
INED, Population n° 6, 1998 - page 1119
La morbidité dans les ménages originaires du Maghreb. Sur la base de l'enquête Santé de l'Insee, 1991-1992
Myriam Khlat, Catherine Sermet, Dominique Laurier
Sur la base des données de l'Enquête Santé Insee-Credes de 1991-92, cet article décrit la morbidité, ainsi que d'autres indicateurs liés à la santé, au sein des ménages à chef ressortissant d'un pays du Maghreb. Toutes les analyses sont ajustées sur l'âge et la CSP, et la comparaison est faite par rapport aux membres des ménages à chef français. Il apparaît que les membres des ménages originaires du Maghreb déclarent beaucoup moins de maladies, avec un écart plus important pour les hommes que pour les femmes. L'examen des différences par chapitre de la classification des maladies met en évidence une protection remarquable des hommes par rapport aux maladies de l'appareil circulatoire, et à l'opposé une surexposition des femmes aux maladies endocriniennes et métaboliques. Du point de vue des facteurs de risque pour la santé, l'analyse montre que les hommes dans ces ménages fument autant que ceux du groupe de référence, mais les femmes significativement moins, et qu'en revanche celles-ci souffrent d'un problème de surpoids, avec une proportion d'obèses deux fois plus élevée que dans le groupe des ménages à chef français. Ces résultats, en accord avec ceux d'une étude précédente sur la mortalité différentielle des immigrés Marocains en France, sont discutés en termes de problèmes de déclaration, de facteurs de sélection et de facteurs de protection.
INED, Population n° 6, 1998 - page 1155
Emploi, chômage et stratégies familiales au Maroc
Mohamed Douidich
La multiplication des entreprises de type familial au Maroc, retient l'attention pour deux raisons: le taux de chômage est trois fois moindre parmi les ménages propriétaires d'une affaire familiale, et deux emplois sur trois sont le fait de ce secteur d'activité. L'analyse de la structure démographique et socioprofessionnelle du ménage et des logiques qui amènent cette unité familiale à se porter à la fois comme consommatrice et créatrice d'emploi, permet de comprendre les stratégies familiales en matière d'emploi au Maroc.
Marquées par une grande diversité et essentiellement fondées sur la pluriactivité, ces stratégies consistent à affecter les membres les moins compétitifs à l'entreprise familiale, et à soutenir l'insertion des mieux formés dans des activités salariées plus lucratives. Elles sont, cependant, confrontées à l'inadéquation de l'emploi familial au cursus des jeunes membres actifs, et à la tendance de ces derniers à accéder à un statut qui les « affranchisse » des liens de dépendance induits par l'activité dans l'entreprise familiale. Cette dernière risque alors de trouver sa limite en tant qu'alternative d'emploi et facteur de cohésion familiale, à moins que l'accumulation financière réalisée ne permette de s'engager dans une véritable activité d'entreprise.
INED, Population n° 6, 1998 - page 1185
Prix : 20 € TTC