Vingt ans de trajectoire après un licenciement collectif. Le cas des ouvrières et ouvriers de Schirmeck
Christian Trotzier (Conseiller d'orientation-psychologue à Haguenau, Alsace/ Laboratoire Cultures et Sociétés Urbaines, Paris 8)
L’étude s’intéresse aux trajectoires, sur vingt ans, d’une centaine d’ouvrières et d’une trentaine d’ouvriers licencié-e-s pour raison économique au début des années 1980 à Schirmeck , petite bourgade située à quarante-cinq kilomètres de Strasbourg.
Basée sur des récits de vie, elle conclut, pour une majorité de femmes, à la déstabilisation professionnelle sur une longue durée. Les retraits de la vie active, définitifs pour les plus âgées, temporaires pour les mères d’enfants en bas âge sont la règle. Les itinéraires dans l’instabilité au long cours sont nombreux. Dans un contexte économique dégradé, les variables socio-démographiques pèsent sur le retour à l’emploi. Elle ne sont pas non plus sans influence sur les destins professionnels qui doivent peu aux compétences techniques. Ainsi, le "choix" du nouvel emploi, employée familiale, employée de service, assistante maternelle, couturière, ouvrière de la métallurgie n’est pas sans lien avec la situation matrimoniale, l’âge de l’intéressée ou l’âge du dernier enfant.
En revanche, parce que la conjoncture économique leur est moins défavorable, parce qu’ils sont peu soumis aux contraintes de la vie privée, les hommes suivent des trajectoires déterminées principalement par des logiques professionnelles. Cependant, pour une moitié d’entre eux, le niveau de salaire est remis en cause. La recherche d’une meilleure rémunération génère alors une mobilité inter-entreprises qui, chez les femmes, est davantage conséquence de la précarité de l’emploi.
Inscrite dans la sociologie du genre, l’observation des
trajectoires sur le long terme permet de mieux comprendre les
comportements d’activité des hommes et des femmes ainsi que le
fonctionnement du marché du travail.