Transformations urbaines et inégalités d’accès à l’agglomération parisienne au cours du XXe siècle : une approche longitudinale contextuelle de la mobilité géographique et des inégalités
Presented by Guillaume Le Roux (INED) ; Discussant : Stéphanie Vermeersch (CNRS, LAVUE)
Cette présentation s’inspire de mes travaux de post-doctorats à l’INED et de travaux collectifs réalisés avec Catherine Bonvalet, Arnaud Bringé, Christophe Imbert et Patrick Bach au sein du projet Fresque. Ce projet s’intéresse au peuplement de l’agglomération parisienne au cours du XXe siècle. Ma propre recherche explore plus précisément les inégalités d’accès, entre générations et catégories sociales, aux espaces résidentiels plus ou moins valorisés en termes de composition sociale et de ressources locales. Après avoir présenté ces projets, cette intervention montrera comment le développement des réseaux de transport au sein de l’agglomération parisienne a bénéficié différemment aux groupes sociaux et aux générations tout au long de leurs trajectoires résidentielles.
Au cours du 20e siècle, Paris a connu un important processus d’étalement urbain. Les jeunes familles ont largement contribué à la périurbanisation, ce qui a entraîné une redistribution des populations (Berger, 1991; Bonvalet et Bringé, 2010). L’étalement urbain a provoqué une fragmentation des espaces de vie. La mobilité spatiale et les accès sont devenus un enjeu central des inégalités contemporaines et peuvent être considérés comme une forme d’inégalité sociale qui s’additionne aux niveaux de revenu ou aux catégories socioprofessionnelles (Orfeuil, 2015).
Ainsi, l’accessibilité du lieu de résidence, définie comme les opportunités offertes par les infrastructures de transport, est déterminante dans l’accès effectif aux ressources de la ville et la production d’inégalités sociales. Le lien mis en évidence entre transport et exclusion sociale (Hine et Mitchell, 2003) a notamment fait l’objet d’un intérêt renouvelé au sein de la recherche urbaine et des politiques depuis les années 1990 dans de nombreux pays (Fol et Gallez, 2014).
L’originalité de ce travail est de développer une approche longitudinale de l’accessibilité, généralement appréhendée ou mesurée de manière transversale, en considérant l’accessibilité des lieux de résidence successifs des individus tout au long de leur cycle de vie. Cette approche permet d’appréhender comment les individus et les groupes sociaux se sont appropriés ou ont été affectés par les changements des configurations de la ville au cours du temps.
Trois hypothèses principales sont explorées : les générations successives - qui ont fait face à une configuration distincte de la ville - ont connu une diversification de l’accessibilité de leurs lieux de résidence successifs tout au long de leur cycle de vie ; le développement des infrastructures de transport a renforcé les inégalités d’accès à la ville entre les groupes sociaux ; les événements professionnels et familiaux ont entraîné des changements de lieux de résidence plus ou moins accessibles selon les groupes sociaux. Ces hypothèses seront explorées à partir de trois enquêtes biographiques réalisées à l’INED : Triple Biographie (1981) auprès des générations 1911-1935, Peuplement et Dépeuplement de Paris (1986) auprès des générations 1926-1935 et Biographies et Entourage de 2001 pour les générations 1930-1950. Ces données seront combinées à des données secondaires historiques sur les transports produites à partir de données ouvertes.
Références :
Berger Martine (1991), « L’urbanité des périurbains d’Ile-de-France. De la diversité à la ségrégation », Les Annales de la recherche urbaine, N°50, pp. 56-63.
Bonvalet Catherine, Bringé Arnaud (2010), « Les trajectoires socio-spatiales des Franciliens depuis leur départ de chez les parents », Temporalités [En ligne], N°11.
Fol Sylvie, Gallez Caroline (2014), « Social inequalities in urban access », in Elliot D. et al, Urban access for the 21st century: Finance and governance models for transport infrastructure, pp. 46-86.
Hine Julian, Mitchell Fiona (2003), Transport Disadvantage and Social Exclusion: Exclusionary Mechanisms in Transport in Urban Scotland, Aldershot: Ashgate, 162 p.
Orfeuil Jean-Pierre (2015), « Des difficultés de mobilité variées, qui appellent des réponses personnalisées », in Orfeuil J.-P., Ripoll F., Accès et mobilités. Les nouvelles inégalités, Gollion, Infolio, pp. 9-101.
Guillaume Le Roux
Guillaume Le Roux est docteur en géographie de l’université de Poitiers. Ses travaux portent sur les interactions entre transformations urbaines et mobilités individuelles au sein des grandes villes. Il développe notamment des approches biographiques et des approches quotidiennes de la ségrégation urbaine. Il a réalisé sa thèse sur les changements urbains à Bogota et est associé à différents projets de recherche sur les grandes villes latino-américaines. Il réalise actuellement un post-doctorat à l’INED sur les inégalités d’accès aux espaces résidentiels de l’agglomération parisienne dans une perspective historique à partir d’anciennes enquêtes biographiques