Précarisation professionnelle et santé : articuler qualitatif et quantitatif, populations particulières et population générale
Presented by: Émilie Counil (Ined) ; Discussant: Arnaud Mias (Université Paris-Dauphine, IRISSO-CNRS)
Si la référence aux risques professionnels domine le champ de la santé au travail, les transformations du travail et de l’emploi des 40 dernières années interrogent les mécanismes par lesquels travail et emploi interviennent dans la construction des inégalités sociales de santé tout au long de la vie. Parmi ces évolutions, le recours croissant aux formes d’emploi dites atypiques et la place du chômage dans les parcours, en particulier des femmes, nous invite à aborder ces questions à travers les notions de précarité et de précarisation professionnelle. Nous fondant sur une enquête qualitative conduite en milieu populaire auprès de patients atteints de cancer, nous avons caractérisé quantitativement les parcours ayant accumulé différents types de désavantages : exposition à des risques professionnels (ici des cancérogènes professionnels), mais aussi conditions d’emploi dégradées (instabilité, discontinuité, caractère peu qualifié, polyvalence). Nous avons sur cette base construit une typologie reflétant certaines formes de précarisation professionnelle. Appliquée à la population française (enquête SIP santé itinéraire professionnel), cette typologie révèle une surreprésentation des femmes au sein des parcours dits « fortement précarisés ». L’état de santé général (mini-module européen) est quant à lui plus souvent jugé « moyen » à « très mauvais » parmi les participants ayant eu un parcours « fortement précarisé », avec un gradient similaire entre hommes et femmes. Cette recherche collective, encore en cours, vise actuellement à interpréter ces résultats dans une perspective historique du changement et à intégrer les rapports sociaux de sexe dans l’analyse des parcours.
Emilie Counil
Emilie Counil est depuis septembre chargée de recherche à l’Ined où elle est membre de l’unité Mortalité, santé, épidémiologie (MSE) et collabore avec l’unité Démographie économique. Elle est également chercheuse associée à l’IRIS (Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux). Ses recherches portent d’une part sur la façon dont l’épidémiologie peut contribuer à la non-émergence de problèmes de santé publique, ou à la non-intervention face à des problèmes bien identifiés. D’autre part, elle développe des approches de quantification des atteintes à la santé liées au travail et à l’environnement tenant compte de leur stratification sociale sur le temps long.