Par les liens, du mariage

the Monday 17 January 2005 at l'INED, Salle Sauvy.

Par les liens, du mariage
Discutant: Michel Bozon (INED)

Le mariage en France semble depuis quelques temps se dégager de contraintes familiales qui ont longtemps prévalu. Le choix du conjoint n’est plus, dans la majorité des cas, une affaire arrangée par la famille comme l’ont montré les travaux de Bozon et de Héran (1987). Chacun peut désormais élire la personne de son choix, au sein toutefois d’un cadre de sélection homogamique qui a supplanté les stratégies plus explicites de reproduction sociale. La forme du couple (concubinage ou mariage) n’est plus elle-même régie par des contraintes familiales mais en fonction du milieu des deux conjoints, de leur histoire personnelle et de leur projection dans l’avenir comme l’a montré, dans les années 80, Françoise Battagliola. La démographie du mariage elle-même n’est pas pour contredire l’hypothèse d’un moindre contrôle familial sur l’institution, le premier mariage survenant en moyenne à 30 ans pour les hommes et à 28 ans pour les femmes, âges où la plupart sont déjà indépendants financièrement et ont quitté le domicile familial depuis plusieurs années. La variété des formes de cérémonies , l’intensité de l’investissement personnel du couple à côté des familles dans les choix de l’organisation, etc. vont également dans ce sens.
Toutefois, les travaux sur le mariage s’intéressent surtout à l’institution et à la symbolique, éventuellement sa composition rituelle, mais accordent peu d’importance à sa dimension relationnelle. Or, plus encore que les détails des festivités, la sélection des personnes conviées exprime l’exigence nouvelle du " couple ". En effet, le choix des invités est une dimension essentielle du mariage, le plus souvent sujet à d’âpres discussions. Paradoxalement, la liste des invités (de son élaboration à sa configuration définitive) n’a jamais fait l’objet d’étude sociologique systématique. La considérer comme un objet permet pourtant de développer l’hypothèse de Berger et Kellner (1988) suivant laquelle " le mariage n’implique pas seulement l’entrée dans de nouveaux rôles mais, en plus, l’entrée dans un nouveau monde ". L’analyse de ces choix (sous contraintes) permet en effet de jeter un nouvel éclairage sur l’autonomie que les couples semblent vouloir prendre par rapport aux traditions et contraintes familiales et de renseigner ainsi sur une éventuelle évolution du mariage dans un contexte individualiste qui n’exclut pas, loin s’en faut, les logiques et les déterminations sociales dépassant le plus souvent les stratégies familiales.