Par les liens, du mariage
Par les liens, du mariage
Discutant: Michel Bozon (INED)
Le mariage en France semble depuis quelques temps se dégager de
contraintes familiales qui ont longtemps prévalu. Le choix du
conjoint n’est plus, dans la majorité des cas, une affaire arrangée
par la famille comme l’ont montré les travaux de Bozon et de Héran
(1987). Chacun peut désormais élire la personne de son choix, au
sein toutefois d’un cadre de sélection homogamique qui a supplanté
les stratégies plus explicites de reproduction sociale. La forme du
couple (concubinage ou mariage) n’est plus elle-même régie par des
contraintes familiales mais en fonction du milieu des deux
conjoints, de leur histoire personnelle et de leur projection dans
l’avenir comme l’a montré, dans les années 80, Françoise
Battagliola. La démographie du mariage elle-même n’est pas pour
contredire l’hypothèse d’un moindre contrôle familial sur
l’institution, le premier mariage survenant en moyenne à 30 ans
pour les hommes et à 28 ans pour les femmes, âges où la plupart
sont déjà indépendants financièrement et ont quitté le domicile
familial depuis plusieurs années. La variété des formes de
cérémonies , l’intensité de l’investissement personnel du couple à
côté des familles dans les choix de l’organisation, etc. vont
également dans ce sens.
Toutefois, les travaux sur le mariage s’intéressent surtout à
l’institution et à la symbolique, éventuellement sa composition
rituelle, mais accordent peu d’importance à sa dimension
relationnelle. Or, plus encore que les détails des festivités, la
sélection des personnes conviées exprime l’exigence nouvelle du "
couple ". En effet, le choix des invités est une dimension
essentielle du mariage, le plus souvent sujet à d’âpres
discussions. Paradoxalement, la liste des invités (de son
élaboration à sa configuration définitive) n’a jamais fait l’objet
d’étude sociologique systématique. La considérer comme un objet
permet pourtant de développer l’hypothèse de Berger et Kellner
(1988) suivant laquelle " le mariage n’implique pas seulement
l’entrée dans de nouveaux rôles mais, en plus, l’entrée dans un
nouveau monde ". L’analyse de ces choix (sous contraintes) permet
en effet de jeter un nouvel éclairage sur l’autonomie que les
couples semblent vouloir prendre par rapport aux traditions et
contraintes familiales et de renseigner ainsi sur une éventuelle
évolution du mariage dans un contexte individualiste qui n’exclut
pas, loin s’en faut, les logiques et les déterminations sociales
dépassant le plus souvent les stratégies familiales.