Les familles transnationales dans le contexte migratoire français : la diversification des formes familiales depuis les années 1960
Présenté par Tatiana Eremenko (INED / Université Bordeaux IV) - Discutant : Frank Temporal (Université Paris Descartes-CEPED)
Les dernières décennies, caractérisées par un accroissement des
flux migratoires et leur féminisation au niveau mondial, ont
également vu le développement des travaux sur les familles
transnationales, dont les membres résident dans différents pays.
Ces familles soulèvent de nombreuses questions, surtout lorsqu'il
s'agit de la séparation géographique des jeunes enfants et de leurs
parents : comment est organisé le fonctionnement de la famille à
distance ? Ce mode de vie n'est-il pas préjudiciable à ces membres
? Les travaux existants portent principalement sur des femmes
migrant des pays de l'Europe de l'Est, de l'Amérique Latine ou
d'Asie, et connaissant des situations (légales, professionnelles)
précaires à leur arrivée. Le contexte français n'a été que peu
étudié. Ces caractéristiques distinctes pourraient apporter des
éléments nouveaux pour la compréhension de ces situations,
notamment leur place dans les trajectoires migratoires des familles
et les facteurs de risque leur étant associés.
Cette présentation, issue de ma recherche doctorale, s'articule
autour de trois points : la méthodologie mise en œuvre pour
identifier les familles résidant de part et d'autre de frontières
nationales dans les données statistiques existantes ; l'évolution
du nombre des familles transnationales en France depuis les années
1960 ; l'étude des relations de ce mode de vie avec les
caractéristiques des migrants et de leurs familles (le sexe,
l'origine géographique, la composition familiale, la situation
légale). Les séparations géographiques des familles sont surtout
caractéristiques des débuts d'un flux migratoire et leur nombre
était maximal au sommet des flux migratoires dans les années 1970
et 1980. On estime que jusqu'à un tiers des hommes originaires de
certains pays d'Afrique était en ménage transnational à cette
époque. Depuis cette période, leur nombre baisse régulièrement, et
la reprise des flux migratoires à destination de la France au début
des années 2000 n'a pas inversé cette tendance. Au-delà de ce
premier constat numérique, c'est surtout la composition de ces
familles qui a changé. Une proportion grandissante d'entre elles
est dirigée par des femmes et il s'agit plus souvent des familles
recomposées avec des enfants plus âgés que par le passé. Ces
caractéristiques ont un impact sur les pratiques de ces familles,
ainsi que leurs perspectives de réunification dans
l'avenir.