Le spectre de la stérilité au Cameroun, de la question épidémiologique au risque social
Le spectre de la stérilité au Cameroun, de la question
épidémiologique au risque social
Discutante : Annabel Desgrees Du Loû (IRD-LPED)
L’intérêt des démographes pour les niveaux de stérilité africains
est nourri depuis longtemps par les taux particulièrement élevés
que l’on observe sur ce continent comparé au reste du monde. Les
implications de ces niveaux de stérilité sur le processus de
transition démographique constituent d’ailleurs un enjeu de
l’observation, alors que le déclin de la fécondité ne fait que
commencer.
L’objet de cette présentation est d’approcher les conséquences sociales et psychologiques de la sous-fécondité féminine en Afrique. D’une part du point de vue dont elle façonne les rapports de couple, et d’autre part de celui dont elle oriente les destinées féminines. Elle se focalise sur un pays, le Cameroun, qui appartient à la ceinture des pays d’Afrique Centrale réputés pour leur sous-fécondité dès les années 1950. Les taux de stérilité y étaient jusqu’au début des années 80, trois fois plus élevés que dans le reste de l’Afrique.
Profondément marquée par un siècle d’infécondité, la société
camerounaise a affronté ce fléau par des modes de régulation
sociale qui ont renforcé la pratique de la polygamie, favorisé une
nuptialité précoce et l’expansion des naissances hors mariage,
inscrites dans des pratiques visant à faire preuve de sa fécondité.
Au delà des femmes stériles, ce sont donc des générations féminines
entières qui ont été marquées par l’impact d’un tel risque
collectif. Aussi, bien que l’amélioration de la santé reproductive
ait considérablement fait reculé les taux de stérilité, qui se
rapprochent aujourd’hui de la moyenne africaine, la menace latente
et parfois symbolique de stérilité continuent d’avoir d’importantes
répercussions sociales.
Après un rappel de l’ampleur avec laquelle le Cameroun a été
touché, la présentation s’arrêtera sur la manière dont la stérilité
affecte la construction identitaire féminine. Puis abordera le vécu
du risque de stérilité et ses implications sociales, à partir de
récits de vie menés en 1995-96 auprès de femmes camerounaises
appartenant aux dernières générations féminines particulièrement
touchées par ce phénomène, au moment où ces cohortes atteignent la
fin de leur vie féconde.