Le nouveau système d'information de l'assurance maladie en France permettrait-il une estimation des flux d'émigration?

the Monday 14 February 2005 at l'INED, Salle Sauvy.


Discutant : François Lenormand (CNAMTS)

Les pays dépourvus de registre de population rencontrent des difficultés pour évaluer leurs flux d’émigration, notamment la sortie des émigrés résidant sur leur territoire. La France est dans cette situation: l’instauration d’un fichier national des titres de séjour par le Ministère de l’Intérieur a permis un progrès majeur des statistiques d’immigration, mais elle n’améliore pas l’estimation des retours car le terme d’un titre de séjour n’est ni une certitude de retour, ni un enregistrement de la date de retour. Depuis janvier 2004, les ressortissants de l’Europe des 15 sont dispensés de carte de séjour. Cette simplification administrative a interrompu l’enregistrement des migrations des ressortissants communautaires. Le besoin de nouvelles sources n’en est que plus fort. L’instauration du système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie, le SNIIR-AM, semble à terme créer cette opportunité statistique. La non consommation médicale durable pourrait servir d’indicateur de sortie du territoire, une fois décomptée la mortalité.

La qualité de cette estimation supposerait d’abord que le repérage de la mortalité soit reporté de manière suffisamment claire et homogène dans les fichiers du dispositif. D’autre part, l’estimation ne saurait être plus précise que le concept de résident. Elle est tributaire des conditions de maintien de l’affiliation au système de l’assurance maladie, en particulier pour les retraités ou dans le cadre des migrations intra-communautaires. La question soulève donc bien des points juridiques, techniques ou déontologiques.

Contrairement à l’interrogation initiale, le système ne permet pas de mesurer les retours d’étrangers vers l’étranger car la nationalité ne figure pas dans les fichiers d’assurance maladie, mais seulement le pays de naissance. L’usage du pays dans cette application ne va pas non plus de soi. Ainsi, c’est d’abord une mesure de l’émigration totale qu’on pourrait attendre d’un tel projet.

Il ne faut pas sous-estimer non plus le fait que si le caractère inter-régimes du SNIIR-AM rend accessible une statistique nationale, il soulève des problèmes d’homogénéité de l’information difficilement maîtrisables d’emblée. Le principe du cryptage, et même du «hachage» des identifiants, a ouvert la voie de cette nouvelle génération de statistiques issue de fichiers administratifs, mais en a aussi défini des limites infranchissables.
Ces réserves faites, on ne peut négliger les potentialités démographiques de ce nouveau système statistique et il faut en souhaiter l’épanouissement en maîtrisant une à une toutes les questions soulevées.