La naturalisation comme modèle d'intégration et comme stratégie d'insertion

La présente contribution analyse un échantillon de dossiers de naturalisation concernant des étrangers italiens, polonais, portugais, algériens, marocains et tunisiens résidents dans l’agglomération de Longwy entre 1946 et 1990. Il en résulte que la population déclarée française doit être conçue comme le point de croisement entre la volonté et la représentation de l’appartenance nationale de la part des cadres politico-administratifs et un ensemble de stratégies sociales de la part des étrangers. On peut distinguer trois constellations spécifiques pour les trois périodes 1950-1958, 1965-1975 et 1976-1990. Mais en même temps, l’analyse fait voir l’émergence lente d’un modèle républicain de la naturalisation qui puise ses forces dans la stabilité des procédures administratives et dans la continuité du discours sur l’intégration. En pratique, la conception selon laquelle un individu est prêt et capable de faire partie harmonieusement de la « communauté française » a changé à partir du milieu des années 1970. Les critères semblent être administrés d’une manière plus souple de la part des administrateurs locaux et la naturalisation peut être vue comme la continuation de la politique de regroupement familial. Dans la crise de l’emploi locale et régionale très grave à partir du milieu des années 70, la naturalisation est bien davantage devenue une ressource stratégique pour les immigrés, en particulier pour les jeunes, dans le cadre de trajectoires biographiques devenues plus complexes. D’un côté, elle est demandée par des immigrés en situation précaire, en situation de chomage prolongé ou d’une invalidité, d’un autre côté elle est demandée par des personnes qui ont réussi sur le plan scolaire et professionnel. Dans les deux groupes, le nombre de célibataires augmente sensiblement. Surtout à l’égard des jeunes et des femmes, l’administration française a réagi en facilitant leur inclusion dans la communauté nationale.