La fécondité des familles recomposées au Danemark et en France : résultats d'une étude préliminaire fondée sur deux échantillons de très grande taille
Laurent TOULEMON (INED) et Lisbeth B. KNUDSEN (Aalborg University)
Au sein des familles recomposées, plusieurs définitions du
nombre d’enfants sont possibles : enfants communs aux deux membres
du couple, enfants de l’homme, de la femme. L’étude de la fécondité
des familles recomposées permet de mettre à l’épreuve de nombreuses
hypothèses quant à l’utilité des enfants pour les couples, les
femmes et les hommes. Comme les enfants restent le plus souvent
avec leur mère en cas de rupture du couple parental, la plupart des
beaux-enfants vivent avec leur mère et un beau-père, et peu vivent
avec leur père et une belle-mère. La portée des travaux fondés sur
les enquêtes sur la fécondité et la famille (Fertility and family
surveys, FFS) ou sur des enquêtes équivalentes est limitée par la
taille des échantillons de ces enquêtes ; en particulier il est
possible de décrire les variations de la fécondité des couples en
tenant compte de l’existence de beaux-enfants, mais on ne peut
distinguer selon que les beaux-enfants sont des enfants de l’homme
ou de la femme, ou qu’ils vivent avec le couple ou ailleurs.
L’enquête Étude de l’historie familiale a été conduite en France
dans le cadre du recensement de 1999, auprès d’un large échantillon
d’homme et de femme (380 000 personnes âgées de 18 ans ou
davantage). Les dates de naissance, d’arrivée et de départ des
enfants et beaux-enfants (enfants d’un conjoint que la personne
déclare avoir élevés) y sont précisées.
Pour le Danemark, le registre de population fournit une information
sur la situation familiale de 1 300 000 femmes âgées de 15 à 49
ans. Chaque année, on connaît le nombre d’enfants et de
beaux-enfants de la femme, selon qu’ils vivent ou non avec elle,
ainsi que la présence d’un conjoint.
Ces deux fichiers offrent la possibilité d’étudier la fécondité des
familles recomposées en tenant compte à la fois de l’histoire
féconde des deux conjoints et de certaines caractéristiques
sociodémographiques. La fécondité est mesurée à l’aide de modèles
de durées, fondées sur la durée de vie en couple pour les couples
n’ayant pas d’enfants en commun, et sur l’âge du plus jeune enfant
pour les autres. On peut ainsi mesurer les variations de la
fécondité selon la présence et le nombre des beaux-enfants de
l’homme ou de la femme, vivant avec le couple ou non. Les
informations sur la date de mise en couple et l’age des deux
conjoints, ainsi que leurs niveaux d’études, peuvent également être
prises en compte.
Des travaux précédents ont montré que la fécondité des couples
variait surtout avec le nombre d’enfants de la femme, et peu avec
le nombre d’enfants que l’homme a eu avant l’union. Les effectifs
étaient trop faibles pour séparer cet effet de la différence entre
enfants vivant avec le couple ou non.
Les mêmes hypothèses sont testées sur les données françaises et
danoises. Le registre danois utilise une définition administrative
des enfants et de leur résidence, tandis que les échantillons
d’hommes et de femmes vivant en France s’appuient sur les réponses
des personnes quant à leurs nombres d’enfants et de beaux-enfants
et leur lieu de résidence. Quand l’homme seul a eu un enfant né
avant le couple, la fécondité du couple est augmentée ; à
l’inverse, quand les deux conjoints ont eu des enfants avant
l’union ou quand le couple a déjà un enfant en commun, la fécondité
du couple est plus faible. Des modèles plus détaillés conduisent à
des résultats compliqués et instables. Les variations dues à la
présence des beaux-enfants de l’homme ou de la femme, résidant ou
non avec le couple, unique ou nombreux, ne s’additionnent pas ;
pour la France, les résultats déduits des réponses des hommes sont
incohérents avec ceux déduits des réponses des femmes ; pour le
Danemark les résultats sont encore différents.