Les inégalités des chances en santé sont-elles d’une ampleur comparable dans tous les pays d’Europe ?
Présenté par Damien Bricard (Ined) Discutant : Arnaud Lefranc (THEMA, Université de Cergy-Pontoise)
Comme la plupart des pays européens, la France a choisi de lutter, à l’appel de l’Organisation Mondiale de la Santé, contre les «différences systématiques d’état de santé» jugées «injustes».
Chercher à réduire les inégalités de santé impose une réflexion sur les fondements normatifs d’une telle politique : quelles sont les inégalités de santé que l’on peut juger injustes? Quelles sont celles qui peuvent être considérées comme légitimes?
Ce travail a pour objectif de mesurer et de comparer les inégalités des chances en santé entre les pays européens. Deux positions normatives concurrentes quant au traitement de la corrélation entre effort, mesuré par les comportements à risque, et circonstances, mesurées par les conditions de vie dans l'enfance, défendues par Brian Barry et John Roemer sont étudiées. Cette étude propose des analyses de régression et plusieurs mesures d'inégalités des chances. Les analyses sont conduites à partir des données de l’enquête rétrospective SHARELIFE qui s’intéresse au parcours de vie des européens de 50 ans et plus.
Les inégalités des chances en Europe considérée dans son ensemble représentent presque 50% des inégalités de santé dues aux circonstances et aux efforts dans le scenario de Barry et 57,5% dans celui de Roemer. La comparaison de l'importance des inégalités des chances en santé entre les pays européens montre d'importantes inégalités en Autriche, France, Espagne et Allemagne alors que la Suède, la Pologne, la Belgique, les Pays-Bas, et la Suisse présentent des inégalités des chances plus faibles. La position normative concernant le traitement de la corrélation entre efforts et circonstances apparaît peu importante en Espagne, Autriche, Grèce, France et République Tchèque, Suède et Suisse alors qu’elle est plus importante en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Allemagne, en Pologne et au Danemark.
Dans la plupart des pays, les inégalités des chances en santé sont principalement dues au milieu social d'origine qui affecte la santé à l'âge adulte directement, ce qui nécessiterait des politiques publiques compensant directement les faibles conditions initiales. D'autre part, nos résultats suggèrent un important déterminisme social et familial des comportements de santé en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie, en Allemagne, en Pologne et au Danemark, ce qui accentue les inégalités des chances dans ces pays et appelle à des politiques plus ciblées.