Genre et pauvreté en Afrique
Aurélie Godard (Université de Paris V), "Le travail des femmes
dans un contexte de pauvreté en Guinée"
Fofo Ametepe (INED) et Thérèse Locoh (INED), "Genre et
paupérisation à Lomé, l'exemple du logement"
Discutante : Véronique Hertrich (INED)
"Le travail des femmes comme réponse à la pauvreté.
Exemple de la sous-préfecture de Kanfarandé, Guinée Maritime"
Aurélie Godard (POPINTER, Paris 5)
Traditionnellement, les femmes africaines n’ont pas d’activités
économiques entendues au sens d’activités procurant un revenu qu’il
soit monétaire ou non. Cependant avec la monétarisation de
l’économie, les familles ont besoin de liquidités pour payer les
impôts, les dépenses de santé ou d’éducation, et acheter certains
produits qui étaient autrefois transformés sur place et qui sont
aujourd’hui importés. Ces nouveaux besoins ont amené les femmes à
développer des activités génératrices de revenus. Mais ces
nouvelles activités doivent prendre place au sein d’une
organisation sociale qui laisse peu d’espace de liberté aux femmes.
Considérées comme appartenant à la sphère domestiques, elles
peuvent difficilement se déplacer que ce soit pour faire la
scolarisation ou pour le travail. L’organisation économique des
femmes dépend de la place qui leur est donnée dans la division
sexuelle du travail, dans l’organisation économique des ménages et
dans les logiques économiques propres à chaque ethnie.
La division sexuelle du travail rend les femmes dépendantes du
travail des hommes. En effet, elles interviennent en amont du
procès de production. Ce sont les hommes qui détiennent les
matières premières qu’elles transforment avant de les vendre. En
outre, les activités les plus rémunératrices restent masculines. Le
travail ne permet donc pas aux femmes d’acquérir une certaine
indépendance. Il s’agit avant tout pour elle d’apporter un revenu
d’appoint à la famille afin de pallier les manques.
En effet, l’économie des femmes doit se comprendre comme une partie
de l’organisation économique des familles. Dans une famille aisée,
les femmes auront peu d’activités. Elles rempliront leur rôle
d’épouse et de mère. Inversement, dans une famille pauvre, les
femmes devront mettre en place plusieurs activités afin d’avoir
plusieurs sources de revenus. Comme les travaux domestiques leur
laissent peu de temps, les femmes utilisent la main-d’œuvre
enfantine d’où l’intérêt pour certaines d’avoir une fécondité
élevée.
Enfin, l’économie des femmes, comme celle des familles d’ailleurs
doit s’analyser en fonction de la structure économique des ethnies.
Chaque ethnie en fonction de son histoire a développé un type
d’activités bien particulier dans lequel les femmes
s’intègrent.
Dans cette présentation, nous analyserons les activités féminines à
partir des données de l’enquête «population, pauvreté et
environnement» menée par Population et Interdisciplinarité en
collaboration avec la Direction Nationale de la Statistique de
Guinée. Nous montrerons quels sont les déterminants à
l’organisation économique des femmes et comment leurs activités
économiques peuvent être perçues comme des réponses à la
pauvreté.
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"Genre et paupérisation à Lomé,
l’exemple du logement"
Fofo Ametepe (Université Paris X, INED) et Thérèse Locoh
(INED)
Diverses publications internationales s’accordent à penser que
l’on assiste à une paupérisation des femmes, et notamment des
femmes chefs de ménage dans les pays en développement. Dans les
villes africaines néanmoins, quand on voit la capacité d’initiative
des femmes, on peut se demander si ce ne sont pas elles qui
résistent mieux aux conditions adverses. Cet article analyse les
situations de pauvreté et de paupérisation à partir des changements
de logement dans la ville de Lomé. Après avoir examiné les
caractéristiques des logements occupés selon le statut (pour les
hommes et pour les femmes) dans le ménage on pose la question
suivante: Quand un changement de logement se produit, les femmes
qui deviennent, à cette occasion, chefs de ménage sont-elles plus
sujettes à une paupérisation (mesurée en termes de confort du
logement) que les hommes?
Des données d’une enquête biographique auprès d’un échantillon
représentatif de 2536 personnes vivant à Lomé sont analysées. Pour
chaque personne interrogée, tous les changements de logement ont
été enregistrés avec leur date et les caractéristiques de confort
du logement, ce qui permet de mesurer les changements d’équipements
lors d’un déménagement, selon le sexe et le statut des personnes
dans le ménage.
Les résultats montrent que les femmes sont globalement défavorisées
par rapport aux hommes, lorsqu’elles sont ou deviennent chefs de
ménage. Tout d’abord, elles ont un moindre accès à la propriété et,
lorsqu’on compare les hommes et les femmes chefs de ménage on
constate que celles-ci occupent des logements moins bien équipés
que ceux-là. Quand elles changent de logement, à âge égal et
génération identique, elles déclarent moins souvent que les hommes
une amélioration du logement. Celles qui sont chefs de ménage ou le
deviennent lors du dernier déménagement, ont une probabilité
significativement plus faible que les hommes d’accéder aux
logements les mieux équipés.