Genre et pauvreté en Afrique

the Monday 29 November 2004 at l'INED.

Aurélie Godard (Université de Paris V), "Le travail des femmes dans un contexte de pauvreté en Guinée"
Fofo Ametepe (INED) et Thérèse Locoh (INED), "Genre et paupérisation à Lomé, l'exemple du logement"
Discutante : Véronique Hertrich (INED)

"Le travail des femmes comme réponse à la pauvreté. Exemple de la sous-préfecture de Kanfarandé, Guinée Maritime"
Aurélie Godard (POPINTER, Paris 5)

Traditionnellement, les femmes africaines n’ont pas d’activités économiques entendues au sens d’activités procurant un revenu qu’il soit monétaire ou non. Cependant avec la monétarisation de l’économie, les familles ont besoin de liquidités pour payer les impôts, les dépenses de santé ou d’éducation, et acheter certains produits qui étaient autrefois transformés sur place et qui sont aujourd’hui importés. Ces nouveaux besoins ont amené les femmes à développer des activités génératrices de revenus. Mais ces nouvelles activités doivent prendre place au sein d’une organisation sociale qui laisse peu d’espace de liberté aux femmes. Considérées comme appartenant à la sphère domestiques, elles peuvent difficilement se déplacer que ce soit pour faire la scolarisation ou pour le travail. L’organisation économique des femmes dépend de la place qui leur est donnée dans la division sexuelle du travail, dans l’organisation économique des ménages et dans les logiques économiques propres à chaque ethnie.
La division sexuelle du travail rend les femmes dépendantes du travail des hommes. En effet, elles interviennent en amont du procès de production. Ce sont les hommes qui détiennent les matières premières qu’elles transforment avant de les vendre. En outre, les activités les plus rémunératrices restent masculines. Le travail ne permet donc pas aux femmes d’acquérir une certaine indépendance. Il s’agit avant tout pour elle d’apporter un revenu d’appoint à la famille afin de pallier les manques.
En effet, l’économie des femmes doit se comprendre comme une partie de l’organisation économique des familles. Dans une famille aisée, les femmes auront peu d’activités. Elles rempliront leur rôle d’épouse et de mère. Inversement, dans une famille pauvre, les femmes devront mettre en place plusieurs activités afin d’avoir plusieurs sources de revenus. Comme les travaux domestiques leur laissent peu de temps, les femmes utilisent la main-d’œuvre enfantine d’où l’intérêt pour certaines d’avoir une fécondité élevée.
Enfin, l’économie des femmes, comme celle des familles d’ailleurs doit s’analyser en fonction de la structure économique des ethnies. Chaque ethnie en fonction de son histoire a développé un type d’activités bien particulier dans lequel les femmes s’intègrent.
Dans cette présentation, nous analyserons les activités féminines à partir des données de l’enquête «population, pauvreté et environnement» menée par Population et Interdisciplinarité en collaboration avec la Direction Nationale de la Statistique de Guinée. Nous montrerons quels sont les déterminants à l’organisation économique des femmes et comment leurs activités économiques peuvent être perçues comme des réponses à la pauvreté.


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"Genre et paupérisation à Lomé, l’exemple du logement"
Fofo Ametepe (Université Paris X, INED) et Thérèse Locoh (INED)

Diverses publications internationales s’accordent à penser que l’on assiste à une paupérisation des femmes, et notamment des femmes chefs de ménage dans les pays en développement. Dans les villes africaines néanmoins, quand on voit la capacité d’initiative des femmes, on peut se demander si ce ne sont pas elles qui résistent mieux aux conditions adverses. Cet article analyse les situations de pauvreté et de paupérisation à partir des changements de logement dans la ville de Lomé. Après avoir examiné les caractéristiques des logements occupés selon le statut (pour les hommes et pour les femmes) dans le ménage on pose la question suivante: Quand un changement de logement se produit, les femmes qui deviennent, à cette occasion, chefs de ménage sont-elles plus sujettes à une paupérisation (mesurée en termes de confort du logement) que les hommes?
Des données d’une enquête biographique auprès d’un échantillon représentatif de 2536 personnes vivant à Lomé sont analysées. Pour chaque personne interrogée, tous les changements de logement ont été enregistrés avec leur date et les caractéristiques de confort du logement, ce qui permet de mesurer les changements d’équipements lors d’un déménagement, selon le sexe et le statut des personnes dans le ménage.
Les résultats montrent que les femmes sont globalement défavorisées par rapport aux hommes, lorsqu’elles sont ou deviennent chefs de ménage. Tout d’abord, elles ont un moindre accès à la propriété et, lorsqu’on compare les hommes et les femmes chefs de ménage on constate que celles-ci occupent des logements moins bien équipés que ceux-là. Quand elles changent de logement, à âge égal et génération identique, elles déclarent moins souvent que les hommes une amélioration du logement. Celles qui sont chefs de ménage ou le deviennent lors du dernier déménagement, ont une probabilité significativement plus faible que les hommes d’accéder aux logements les mieux équipés.