Démocratisation à l’école de Dakar : des promesses ambitieuses, des résultats plus nuancés
Discutant : François Roubaud (DIAL)
Au Sénégal, et malgré de réels progrès, la scolarisation
primaire n'est pas généralisée et montre même des signes
d'essoufflement depuis les années 90. La crise des années 1990, est
très souvent invoquée pour justifier de l'inversion des progrès
scolaires. Mais elle n'a probablement que « dévoilé l'existence
d'inégalités - notamment sociales - largement préexistantes »
(Proteau, 2002). La constante réaffirmation par l'Etat du droit à
l'éducation pour tous incite, de fait, à s'interroger sur la
diffusion des progrès scolaires dans les différents couches de la
société.
La démocratisation de l'enseignement fait l'objet de recherches
récurrentes dans les pays développés (Merle, 2000) mais elle n'a en
revanche suscité que peu d'intérêt de la part des chercheurs
africanistes. De fait, « la pertinence de la question n'est
probablement pas ressentie dans des pays où l'accès même à
l'enseignement primaire est encore loin de concerner tous les
enfants » (Pilon et Wayack, 2003). Largement présumées, les
inégalités sociales ne sont pas mesurées : mis à part le sexe,
parfois l'âge des élèves, les statistiques produites par le
ministère de l'éducation nationale restent muettes sur les
caractéristiques familiales des élèves. Ces données, de nature
transversale, ne permettent que rarement de reconstituer les
trajectoires scolaires des élèves.
Les études françaises sur la démocratisation se sont souvent
focalisées sur la seule origine sociale des élèves (Duru-Bellat et
alii, 2001). Une telle définition ne va pas de soi dans le contexte
sénégalais : bien que toujours inférieur à celui des garçons, le
nombre des filles scolarisées, n'a cessé de croître, à tous les
niveaux du système, et y compris dans la capitale. Ces progrès
sont-ils nécessairement et uniquement le fait des familles dotées
socialement et scolairement ? Étudier les inégalités de sexe dans
les carrières scolaires nécessite de pouvoir en prendre toute la
mesure, or les statistiques scolaires s'avèrent, le plus souvent,
très insuffisantes.
Ce travail entend ainsi retracer, à partir des résultats d'une
enquête biographique menée en 2001 à Dakar, les grandes lignes des
évolutions des parcours scolaires (accès à l'école, durée de la
scolarité et niveau atteint) ; ainsi que l'ampleur, la constance
et/ou le déplacement des inégalités sociales et de genre, sur le
long terme.