De l’expérience du racisme au traitement de la plainte individuelle : conflits d’interprétation autour de la discrimination raciste

L'intervention porte sur les modalités et les enjeux propres à la reconnaissance d'un acte comme étant raciste et discriminatoire.
La question de la discrimination n'est apparue dans l'espace public français républicain qu'à la fin des années 90. Au début des années 2000, elle a donné lieu à des actions gouvernementales (dispositif CODAC-114) et associatives (campagne « discriminations : ouvrons les yeux » du MRAP), constitutives d'un système de lutte contre les discriminations.
Ce système sera examiné dans ses dimensions pratiques, à travers la mise en place d'instances à la fois d'accueil, de recueil et de prise en charge de plaintes individuelles de discrimination. Mes propos s'appuieront sur des entretiens, des observations de permanences d'accueil, ainsi que sur divers documents relatifs à la constitution et au suivi des plaintes individuelles.
Ces espaces d'accueil font interagir trois types d'acteurs: les discriminés, les discriminateurs et les intercesseurs. Dans une perspective interactionniste, l'analyse portera sur les stratégies de persuasion, de dénégation et de réparation mises en œuvre par ces trois protagonistes, ainsi que sur les significations différentiées de l'objet « discrimination raciste » qu'elles incorporent.
Ces stratégies discursives ont pour enjeu l'imposition d'une version des faits. Elles renvoient également à l'imposition d'une vision des choses, au sens de regard porté sur le monde social. Un rapport de sens apparaît alors entre, d'une part, un groupe majoritaire qui a une conscience de soi « non raciste », pouvant être rapportée à un habitus républicain qui se veut « aveugle à la couleur » et d'autre part, un groupe minoritaire pour qui le racisme n'est pas un dysfonctionnement occasionnel, mais une réalité routinière et structurante.