Elaboration du protocole et des outils de suivi de collecte de l’enquête "Mon quartier, mes voisins"
Presented by : Joanie Cayouette-Remblière, Aurélie Santos et Kamel Naït Abdellah ; Discussant : Pierre Mercklé (ENS Lyon)
Les représentations sur le voisinage, entendu strictement comme les rapports entretenus avec les voisins sur fond de proximité spatiale, ou plus largement comme les rapports entretenus par les habitants dans et avec un territoire local, tendent aujourd’hui à être prises dans une contradiction. D’un côté, le voisinage représenterait un cadre résiduel et marginal des relations entre acteurs sociaux dans le contexte de la déterritorialisation induite par l’accroissement des mobilités, et plus récemment, par le développement exponentiel des communications numériques, et il tendrait ainsi à produire davantage d’anonymat et d’isolement dans les sociétés occidentales contemporaines. De l’autre, il serait au contraire un élément structurant de la vie sociale, mais il serait caractérisé soit par la recherche de l’entre-soi et le séparatisme social, soit au contraire par le repli sur soi et la mise à distance de sociabilités locales conflictuelles ou jugées indésirables. Dans tous les cas, le voisinage semble être en crise, par défaut ou par excès de relations sociales, et il est accusé de constituer un obstacle à l’intégration sociale des groupes sociaux ou des territoires.
C’est dans le droit fil de ce discours qu’un certain nombre d’initiatives publiques ou privées ont vu le jour ces dernières années en France, visant explicitement à revivifier le lien social et à favoriser l’intégration à travers des actions durables (comme les politiques volontaristes promouvant les « nouveaux quartiers de mixité sociale ») ou éphémères (comme les « fêtes des voisins »). Or peu de recherches scientifiques récentes permettent de tester la validité des fondements de ces discours sur le voisinage et donc l’efficacité de ce type d’action.
L’enquête "Mon quartier, mes voisins" propose d’analyser la contribution du voisinage à l’intégration sociale. Il vise à caractériser les relations de voisinage contemporaines et leurs variations en fonction des territoires et des groupes sociaux. En même temps, il ambitionne d’étudier les façons différenciées suivant lesquelles le voisinage fonctionne comme ressource ou comme contrainte, en fonction des territoires et des populations qui y vivent.
Pour saisir ces questionnements, un protocole d’enquête quantitative a été mis sur pied et sera sur le terrain en mars 2018. Quatorze quartiers ont été sélectionnés pour participer à l’étude. Dans chacun d’eux, un échantillon représentatif d’habitants doit être interrogé au moyen d’un questionnaire dans lequel on cherche également à caractériser les personnes avec lesquelles l’enquêté est en contact dans son quartier. Puis, les contacts identifiés sont également interrogés, ceci afin de caractériser les réseaux de relations dans les 14 quartiers.
L’élaboration de cette enquête s’est appuyée sur les enseignements d’une première expérience réalisée dans un quartier au printemps 2016 ; elle s’est poursuivie via de nombreux échanges méthodologiques et techniques avec le service des enquêtes de l’Ined et des tests à l’automne 2017, afin de concevoir progressivement le protocole et les outils de suivi de collecte répondant aux attentes du projet. La présentation reviendra sur les grandes lignes de cette élaboration conjointe.
Joanie Cayouette-Remblière, Kamel Nait Abdellah et Aurélie Santos
Joanie Cayouette-Remblière est chercheuse à l'Ined. Après avoir travaillé sur les trajectoires scolaires des classes populaires, elle s'intéresse aujourd'hui à la socialisation résidentielle au sein des nouveaux quartiers de mixité sociale programmée. Elle co-dirige l'enquête Mon quartier, mes voisins (Ined/CNRS, 2018).
Kamel Nait Abdellah est ingénieur d'études au service des enquêtes et sondages de l'Ined, il contribue aux projets d'enquête dans la conception et la mise en œuvre des outils de collecte de données et de suivi de terrain.
Aurélie Santos est chargée d’études à l’Ined. Après avoir contribué aux différentes phases de conception de l’enquête, elle est en charge de la coordination de la collecte des données de l’enquête Mon quartier, mes voisins.