Nouer les relations et incorporer la position sociale à Dakar : quand les enfants nés aux Etats-Unis grandissent au Sénégal
Presented by : Amélie Grysole (Ined) ; Discussant : Mathieu Ichou (Ined)
La qualité des écoles publiques sénégalaises a souffert des coupes budgétaires associées aux ajustements structurels et aux réformes néo-libérales des années 1980. Le secteur privé s’est développé dans les années 1990 puis a explosé au cours des années 2000, principalement dans les grands centres urbains. Aujourd’hui, le fait que les parents aient la possibilité ou non, de prendre en charge les mensualités d’une scolarité privée, est devenu un marqueur social important. Basée sur un terrain ethnographique et multi-sites d’une durée de 12 mois au Sénégal, aux États-Unis et en Italie, avec des enquêtés issus de la petite classe moyenne dakaroise, cette présentation propose d’analyser les formes de différenciation sociale rendues visibles par les investissements scolaires dans les enfants : écoles privées « françaises » catholiques ou laïques, écoles privées franco-arabes, professeur d’arabe, cours du soir, etc. D’abord, nous verrons comment ces investissements scolaires coûteux mettent en évidence la redistribution économique à l’œuvre au sein de maisonnées transnationales : des parents émigrés aux États-Unis ou en Italie, vers leurs enfants, nièces et neveux à Dakar. Dans un deuxième temps, des investissements différents seront analysés comme un indicateur de lutte contre le déclin socio-économique de la part de parents dakarois non-émigrés. Dans un monde global et inégal, les disparités économiques se creusent entre adultes, voisins ou apparentés, selon que les un·e·s et les autres aient émigré à l’international ou non. Par ailleurs, ces inégalités sont masquées localement par une sociodicée de la chance, discours social qui tend à réifier les disparités socio-économiques du présent entre adultes, mais aussi les probabilités d’avenir en termes de réussite sociale et économique pour les enfants.
Amélie Grysole
Amélie Grysole est doctorante en sociologie à l’INED et au Centre Maurice Halbwachs (EHESS). Sa thèse a bénéficié d’un contrat doctoral IPOPS et d’un accueil au sein de l’UR « Migrations internationales et minorités » ; elle occupe actuellement un poste d’ATER (2015-2017) à l’Université Paris Nanterre. Son travail de thèse, basé sur une enquête multi-sites (Sénégal, États-Unis, Italie, 2013-2015), porte sur les relations économiques et affectives à distance et les stratégies de mobilité sociale de familles transnationales issues de la petite classe moyenne dakaroise. Ses intérêts de recherche incluent : les migrations, le genre et l’économie domestique ; la reproduction transnationale des statuts sociaux et la lutte contre le déclassement en migration ; les inégalités locales et globales ; la valeur des enfants selon le territoire.